Sans squatter les ondes aux heures de grande écoute ni enthousiasmer la presse généraliste, les musiques dites dures, hard rock et metal en tête, gardent la cote. Le point avant le Graspop.

En janvier dernier, bluffant tout son monde, Channel Zero, mythique groupe de metal belge, remplissait 6 fois l’Ancienne Belgique. Douze ans ni plus ni moins après sa séparation. Lors du dernier week-end de juin, les Bruxellois partageront l’affiche du Graspop avec Slayer, Soulfly, Motörhead, Kiss, Slash, les Stone Temple Pilots, les gentils Aerosmith et des tas de groupes aux noms aussi fleurs bleues que Carcass, Dark Funeral, Necrophobic et Cannibal Corpse. L’année passée, pas moins de 130 000 chevelus et tatoués ont foulé la pelouse du festival limbourgeois en 3 jours. Et l’édition 2010 se présente sous les mêmes bruyants auspices. Le rock, le dur, celui qui prend aux tripes et fait bourdonner les tympans se porte bien. Merci pour lui.

Peu soutenu par les stations de radio commerciales, ou alors à des heures pas possible – » en journée, j’entends parfois l’un ou l’autre morceau mais j’ai le sentiment que c’est toujours le même« , avoue Delphine Deconinck, membre de l’équipe organisatrice du Graspop-, méprisé plus souvent qu’à son (33) tour(s) par les prescripteurs du bon goût, le hard rock a accouché de quelques-uns des plus gros vendeurs de l’histoire. Led Zeppelin, Def Leppard, AC/DC et Guns’N’Roses ne sont pas du genre à faire dans la dentelle et ils ont vendu des disques par camions.  » C’est une musique avec laquelle on peut extérioriser tout ce qui bouillonne en nous, raconte Nico, heavy listener. On ne se défoule pas de la même manière en écoutant les Scissor Sisters… Je pense qu’il y a un côté éternel ado chez le fan de metal. Le métalleux reste métalleux toute sa vie. »

De fait, si le hard, au sens large, fonctionne encore plutôt bien aujourd’hui, il le doit en partie à un public, fidèle, qui a vieilli avec lui.  » La plupart de mes clients ont la trentaine, remarque Gary De Temmerman qui gère le Metrophone, magasin bruxellois spécialisé dans tout ce qui fait du bruit… Il y a des ingénieurs, des avocats. Des types qui tranchent avec les clichés souvent véhiculés du mec inculte. »

 » Le genre est plutôt mal considéré par la société conformiste, décode Jacques de Pierpont, ardent défenseur de la cause sur les ondes dont l’émission Hell’s Bells est programmée sur Classic 21 le vendredi entre 23 heures et minuit. L’aimer a quelque chose de transgressif. C’est une espèce de rock’n’roll attitude. Quand ce que tu apprécies n’est pas accepté, ça te pousse à devenir militant, à le défendre envers et contre tout. ça n’a rien à voir avec l’intégration sociale et professionnelle. »

Transgénérationnel

Conçu comme un festival généraliste et grand public, le Graspop, créé en 1986, a muté 10 ans plus tard. Suite au franc succès rencontré par les éditions de 1993 et 1994 emmenées par des têtes d’affiche comme Motörhead, Paradise Lost et Biohazard, les organisateurs ont décidé de changer leur guitare d’épaule, de durcir le ton, de sortir l’artillerie lourde. Le succès est plus que jamais au rendez-vous.

 » Un festival comme le Graspop est transgénérationnel, constate de Pierpont. Les vieux hardeux s’emballent sur Alice Cooper et leurs gosses trouvent ça plutôt amusant en attendant de grimper sur leurs épaules pour voir Slip-knot. Quoi qu’il en soit, il propose une affiche plutôt conservatrice. » Si les rock lourds ont encore autant de rayonnement, souffrant apparemment un peu moins que les autres de la crise du disque, ils le doivent également à leur diversité. Eux si souvent présentés comme monolithiques. Comme le vieux copain qui ne changera jamais. Comme la joie simple et sans surprise.  » Il existe énormément de sous-genres, insiste Gary. Certaines choses sont forcément plus accessibles que d’autres. Mais faut quelque part être difficile pour ne pas s’y retrouver. »  » Il y a plein de petits villages, de quartiers dans la grande ville hard and heavy, acquiesce Pompon. Grosso modo, on trouve la même diversité que dans l’indé. Mais évidemment en plus costaud. »

L’intérêt pour le hard rock et le metal découle aussi, souvent, de la mode, des codes vestimentaires.  » Ils séduisent par leur image, leur identité forte, affirme Delphine Deconinck du Graspop. Certains gamins commencent par flasher sur les… beaux t-shirts Iron Maiden de leur cousin, leur père ou leur grand frère. Et comme on ne porte que ce qu’on connaît, ils partent à la découverte de la musique. »

Kerrang! en Angleterre, Aardschok aux Pays-Bas, Rock Hard en France… Des dizaines et des dizaines de titres de presse spécialisés lui assurent une visibilité en kiosque. Les albums sont par ailleurs souvent bien emballés dans les magasins de disques ou ce qu’il en reste. Hardeux et métalleux ont toujours eu un goût prononcé pour l’objet et son enveloppe. Fruit d’une véritable recherche graphique et esthétique. Reflet d’une symbiose entre la musique et l’image.

 » On pourrait disserter des heures sur le lien entre hard rock et graphic fantasy, les prix actuels des pochettes en 3D de Led Zep« , avance Pompon. Les fans en tout cas mettent la main au portefeuille. » Mes clients, une majorité de Flamands, téléchargent beaucoup pour écouter mais derrière ils dépensent. Sont prêts à débourser pour se procurer ces objets la plupart du temps très soignés. » Le hard rockeur esthète? Aussi. Et bien plus encore. l

u Graspop Metal Meeting, À Dessel, du 25/6 au 27/6.

u www.graspop.be

Texte Julien Broquet

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