Gloire à Zora

Peter Bagge rend hommage à Zora Neale Hurston, intellectuelle qui avait le tort d’être femme, noire et libre dans l’Amérique d’avant-guerre.

 » On peut s’élever par soi-même, comme je le fais depuis que j’ai treize ans. Tout ce que je demande aux Blancs, c’est de se pousser de mon chemin! » Zora Neale Hurston avait un sacré caractère. Il en fallait pour devenir romancière, anthropologue et l’un des esprits les plus libres de son temps, quand on est né comme elle pauvre, femme et Noire dans l’Alabama de 1891. Un caractère plus que tranché pour une figure absolument hors normes de la cause noire américaine, qui se devine dès la couverture de ce nouvel album d’un des parrains du comics indé US, Peter Bagge: Zora y apparaît en robe blanche, pied sur le pare-chocs d’une voiture et… colt à la main, en train de faire un clin d’oeil. Une image directement inspirée d’une des rares photographies que l’on possède de cette grande dame, prise en 1927 alors qu’elle vient de recevoir une bourse pour mener ses premières recherches anthropologiques. Bourse qu’elle flambera pour s’acheter une nouvelle voiture, un Stetson et un six-coups! Une anecdote parmi les nombreuses de ce biopic enthousiaste qui nous fait découvrir, pour la plupart d’entre nous, une personnalité qui fit beaucoup pour la culture et la communauté afro-américaines qui le lui rendit bien mal.

Gloire à Zora

Une figure de la Renaissance

Zora Neale Hurston fut entre autres l’une des participantes à Fire!! (d’où le titre), une revue littéraire et artistique publiée en 1926. Elle ne connut qu’un seul numéro mais fut pour beaucoup dans « La Renaissance de Harlem », un mouvement culturel afro-américain plein d’effervescence dans l’entre-deux-guerres et qui fit de ce quartier de New York « la capitale mondiale de la culture noire ». Zora portait elle-même un regard neuf sur la condition des Noirs dans le sud des États-Unis, qu’elle a parcouru en tous sens pour en célébrer, entre autres, le folklore et la culture vaudou, traitant dans l’Histoire de ses pairs de tout ce dont eux-mêmes ne voulaient pas entendre parler:  » les macs et les putains, les escrocs et les illettrés« , mais aussi l’homosexualité, la prostitution ou les relations interraciales. Le tout narré, dans ses romans tels Barracoon ou Mais leurs yeux dardaient sur Dieu, dans un dialecte rural propre à la classe populaire afro- américaine, là aussi très mal vu d’individus en quête de légitimité face aux Blancs. Bref, une personnalité énorme qui lui valut bien des ennuis, et qui la vit mourir seule et quasi abandonnée -ce n’est que bien après sa mort, en 1960, que l’on redécouvrit son oeuvre et sa pensée, en avance sur son temps; Toni Morrison elle-même dira d’elle qu’elle fut  » l’une des plus grands écrivains de notre époque« .

Fire!! L’histoire de Zora Neale Hurston

de Peter Bagge, Nada Éditions, 128 pages.

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