DEPUIS UN GARS/UNE FILLE, LES FORMATS COURTS, RELANCÉS PAR LE SUCCÈS DE BREF, ONT LA COTE À LA TÉLÉ. QUAND LA SÉRIE SE TAILLE EN SHORT…

Plus proches du sketch que des feuilletons comiques, on les appelle aussi formats courts ou mini-séries. Souvent quotidiennes, toujours humoristiques, les shortcoms (contraction de short comedies) ont proliféré ces dernières années depuis que les aventures de Chouchou et Loulou se sont mises à passionner les Français.

Bien sûr, il y avait déjà La Minute nécessaire de Monsieur Cyclopède présentée par Desproges dans les années 80, les capsules des Deschiens et les Carnets de Monsieur Manatane avec Poelvoorde sur Canal + dans les années 90, les Shadoks (1968) ou encore Quick et Flupke (1981) pour les versions dessins animés… En attendant, c’est l’adaptation d’un programme canadien, créé par Guy A. Lepage, apparue en 1999 sur France 2, Un Gars/Une Fille, qui a lancé une mode. Une mode et la carrière de Jean Dujardin, devenu avec The Artist le premier comédien français à remporter l’Oscar du Meilleur acteur.

Le programme court, Arte en fait l’une de ses armes pour rajeunir et élargir son public. En juillet 2012, la chaîne franco-allemande a commencé avec La Minute vieille, capsules durant lesquelles des femmes âgées racontent des blagues salaces. Elle a ensuite enchaîné avec Silex and the City, adaptation en dessin animé d’une décapante BD de Jul racontant les aventures d’une famille préhistorique, et Juliette génération 7.0 ou le quotidien déjanté d’une septuagénaire. « Nous avons voulu renouveler l’image trop sérieuse, trop culturelle et trop intello de la chaîne, explique Hélène Vayssieres, chargée des courts et moyens métrages pour Arte France. Ces programmes ont donné un signal fort aux téléspectateurs. Montré que nous ne faisions pas que du pénible, du cérébral, du difficile… »

Le succès des shortcoms est intimement lié à Internet, l’avènement de YouTube et de Facebook. « Longtemps, les gens de télé ont eu peur de ces mini-séries. Ils craignaient que les téléspectateurs les considèrent comme des interludes et aient tendance à quitter la chaîne. Sauf qu’aujourd’hui, toute une génération s’est habituée au format court sur le Web. » Endroit par ailleurs extrêmement propice à leur propagation et au marketing.

La Minute vieille a récolté plus de 3 600 000 vues sur la Toile. En télé, elle est, comme ses homologues, devenue un produit d’appel. Un produit souvent casé à des moments stratégiques. Dans les tunnels de pub qui mènent au journal ou au prime time. « Le format court capte l’attention. Donne une identité aux chaînes. C’est d’autant plus précieux qu’en temps de crise, les gens ont, je pense, besoin de programmes humoristiques. Ils les extirpent de leur morosité. »

Les chaînes sont demandeuses de programmes pas chers qui fassent rire. Et dans ce contexte, les shortcoms semblent être la solution rêvée. Ils reposent sur des coûts bas en termes de production et d’écriture et sont faciles à caser dans les grilles. « Je ne sais pas si on peut parler de poule aux oeufs d’or. Un Gars/Une Fille a été un phénomèneet Bref a reboosté le court avec beaucoup d’inventivité et une grande qualité scénaristique. Mais je constate qu’aujourd’hui, il y a beaucoup de choses médiocres. Des problèmes en matière de textes et de direction d’acteurs. Nous, nous avons quand même mis le prix pour obtenir des programmes de qualité« , observe Hélène Vayssieres.

Car la shortcom, c’est tout un art. Un art, et une écriture extrêmement spécifique qui célèbre le culte de l’ellipse et de la chute. Le discours publicitaire semble avoir constitué l’une de ses sources d’inspiration. Dans son ouvrage, Séries et feuilletons TV. Pour une typologie des fictions télévisuelles, Stéphane Benassi note qu’à travers la pub, « la télévision a créé du feuilletonesque là où il n’y a pas lieu d’en avoir, en fractionnant le récit en plusieurs parties« . En confrontant les mêmes personnages à différentes situations ou les mêmes situations à différents personnages. Ah, Orangina et ses parodies de films d’horreur…

H-Man

Souvent présentée comme une particularité franco-française (« en Allemagne, ils ne comprennent pas cette habitude et nous prennent pour des fous« ), la mini-série a connu ses heures de gloire en Belgique dans les années 90 avec J’aime autant de t’ouvrir les yeux de Jannin et Liberski. Puis surtout Faux Contact, pastiche délirant d’une émission de sécurité routière emmené par feu Manu Thoreau en commandant De Nève.

Caméra Café est sans doute la shortcom la plus internationale. Créée en 1994 par Yvan Le Bolloc’h, Bruno Solo et Alain Kappauf, et diffusée dès septembre 2001 sur M6, elle a été adaptée en Grèce, en Ukraine, aux Philippines, en Chine, au Maroc, en Tunisie ou encore au Brésil… Elle a aussi fait l’objet de deux adaptations au cinéma: Espace détente (2005), qui a attiré 1 787 163 spectateurs en salles, et Le Séminaire, qui a bu la tasse quatre ans plus tard avec moins de 470 000 entrées.

Alexandre Astier se bat encore et toujours pour qu’une trilogie Kaamelott débarque dans les salles obscures et les producteurs de Nos Chers voisins réfléchissent à une version ciné. « Je pense que les réalisateurs de Silex and the City et La Minute vieille en rêvent. Mais il faut un projet qui tienne la route. Pas juste capitaliser et surfer sur la vague. »

Bientôt, Arte présentera les aventures d’H-Man. Un super-héros poète et maladroit créé en 2008 par le chanteur Arthur H pour son clip de Dancing with Madonna. Un Pierre Richard en cape qui met son slip au-dessus de ses collants, un ton très décalé, des invités prestigieux (Mathieu Amalric, Mathias Malzieu, Jacques Higelin), des effets spéciaux et des thèmes de société comme le mariage gay…

Les plus courtes ne sont-elles pas les meilleures?

TEXTE Julien Broquet

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