ATTEINT DU SYNDROME DE MARFAN, LE BRILLANT ET PROLIFIQUE BRADFORD COX EST SANS DOUTE À 29 ANS L’UNE DES PLUS IMPORTANTES FIGURES INDÉ D’AUJOURD’HUI. QUAND IL NE DÉFEND PAS LA CAUSE DE DEERHUNTER, LE GÉORGIEN SE LA JOUE EN SOLO SOUS LE NOM D’ATLAS SOUND. PORTRAIT.

Sur terre, il y en a qui en bavent plus que d’autres. Qui ont la poisse aux basques. La guigne en porte-clés. Bradford Cox est de la famille. Le long fleuve tranquille très peu pour lui. D’ailleurs, dès le départ pour Brad, les dés sont pipés. Quand il sort du ventre de sa mère à Athens le 15 mai 1982, Cox est atteint du syndrome de Marfan. Une maladie génétique qui atteint les tissus conjonctifs, endommage le système cardio-vasculaire, le squelette, les ligaments et les yeux. Il a à peine 10 ans lorsque cette saloperie se met à sérieusement l’affecter physiquement. Alors qu’il est adolescent, ses parents divorcent et il abandonne l’école. Il vit seul dans la grande maison familiale. N’a pas d’amis. Au point qu’il s’identifie au personnage d’ Edward aux mains d’argent.

C’est en 2001, avec Moses Archuleta et Dan Walton, que Cox fonde le groupe Deerhunter. Oui. Deerhunter. Comme le film de Michael Cimino très librement traduit par Voyage au bout de l’enfer. Les premiers concerts sont très expérimentaux et basés sur l’improvisation.  » J’étais pas le mec qui allait bouger à New York pour essayer de percer. Putain de percer, déclare Cox dans une interview fleuve sur BlackBook Magazine en septembre 2010. Je voulais juste livrer de la bouffe chinoise et dégoter assez de fric pour m’acheter un sachet d’herbe toutes les semaines. Je suis toujours comme ça. Sauf que je ne fume plus de weed.  »

De l’extérieur, la vie et le monde de Bradford Cox ressemblent un peu à un croisement entre du Bret Easton Ellis et du Charles Bukowski. Nouveau coup dur. En 2004, le bassiste Justin Bosworth, héroïnomane sur la voix de la guérison, meurt dans un accident de skateboard. Cox et sa bande enregistrent enfin le premier album du chasseur de cerf. Le résultat est chaotique. Il s’intitule Turn it up Faggot. Monte le son tapette. Et la pochette est squattée par Jared des Black Lips qui exhibe son service 3 pièces caché derrière une tête de cerf.

Comme les Lips, venus d’Atlanta, Bradford est originaire de Géorgie. C’est d’ailleurs avec les flower punks que le garçon vient de signer une reprise en concert de Do You Wanna Dance déguisé en Joey Ramone, un autre malade célèbre, avec une magnifique perruque noir sur le melon.

Courant de conscience

C’est à partir de leur deuxième album, Cryptograms, que Cox et compagnie définissent clairement leur son. Autoproclamé ambient punk à ses débuts, on n’est jamais aussi bien servi que par soi-même, Deerhunter est à la fois rock, (dream) pop, cold, shoegaze…

Bradford revendique l’influence de Brian Eno, Echo and the Bunnymen, My Bloody Valentine, David Bowie, The Birthday Party, The Bad seeds, Stereolab, The Fall. Puis aussi, surtout, il remercie les Liars et leurs conseils avisés. Dans l’écriture, Cox a été profondément marqué par le Courant de conscience (Stream of consciousness). Une technique littéraire associée à la littérature moderniste. Une espèce de monologue intérieur. Une pensée non encore filtrée et décantée. A l’état brut. Souvent, les paroles de ses chansons ne seraient pas écrites à l’avance mais improvisées pendant les enregistrements.

Caca journal

Cox a souvent été qualifié d’antipathique, d’arrogant, d’obscène suite à ses choix artistiques, son comportement, ses commentaires et ses interviews. Il a un temps transformé son blog en caca journal. Un bulletin d’information sur ses selles et celles de ses musiciens. Il a aussi posté sur ce même blog ses fantasmes homo-érotiques avec des photos de ce que certains ont pris pour des enfants. Il les aurait retirées en précisant qu’il prenait la pédophilie très au sérieux puisqu’il en aurait lui-même été victime à l’âge de 7 ans.

En 7 disques, 4 sous le nom de Deerhunter et maintenant 3 sous la bannière Atlas Sound, projet solo pour lequel il jongle avec les instruments, Bradford Cox a définitivement marqué de son empreinte toute personnelle la musique indé des années 2000. Sans donner son cul. Sans vendre des disques à la pelle… Juste en enregistrant des putains d’albums, en donnant des concerts à la force hypnotisante et en étant lui-même. Sans se cacher de cette maladie qui lui donne l’apparence d’un junkie. Stay yourself.

TEXTE JULIEN BROQUET

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content