PERFUME GENIUS EST DE RETOUR AVEC SES HISTOIRES DE SEXE ET DE SUICIDE, SON PIANO, SA VOIX D’ANGE ET SA GAYTITUDE CLAIREMENT ASSUMÉE. PORTRAIT.

Mike Hadreas a débarqué sur la scène musicale sans crier gare mais en hurlant gay. Ça ne fait pas de lui le porte-parole d’une communauté. Mais il le sait, l’affirme même: être homosexuel a conditionné tout ce qui lui est arrivé dans la vie. De l’enfance solitaire et troublée à ses débuts discographiques fragiles et magiques. Dans ses chansons d’ailleurs, Perfume Genius -puisque c’est de lui dont il s’agit- parle souvent d’amour et de sexe entre hommes.

On se souvient de Mr. Petersen, drôle d’histoire chevauchant homoérotisme et pédophilie, et de ces mots.  » He let me smoke weed in his truck/If I could convince him I love him enough/He made me a tape of Joy Division/He told me there was part of him missing/When I was 16, he jumped off a building.  »

Son premier album, Learning, évoquait les thèmes du suicide, des relations sexuelles compliquées et de la lutte pour se faire accepter par ceux qu’on aime… Son successeur, Put Your Back N 2 it (lire la critique page 35), s’ouvre sur Awol Marine, inspiré par une vidéo porno amateur dans laquelle l’un des participants explique, alors que la caméra tourne encore, vendre son corps pour pouvoir faire soigner sa femme.

 » On se sent souvent dégoûtant après avoir regardé ce genre de films. Comme tu peux te penser sale quand tu te rends compte de ton homosexualité. Faut pas se leurrer. Tu réalises très tôt que tu es différent. Tu sens que les gens ne vont pas aimer ça et tu gardes tout en toi. Tu grandis en pensant que ta sexualité est plus sale que celle des autres. Ça me rend triste et il m’est aisé de compatir avec les gays mais aussi, ce qui peut sembler bizarre, avec tous les fétichistes. »

Pour Perfume Genius, il n’a jamais été question de rester dans le placard.  » Je sais qu’il existe un danger, quand on est un artiste ouvertement gay, de se retrouver catalogué, enfermé dans une boîte… Mais je voulais être courageux. S’en inquiéter aurait été un manque de respect. Les gens sont bien plus malins et compatissants qu’on le pense… Si qui que ce soit n’écoute pas ma musique parce que je suis homo, je ne veux pas qu’il l’entende. Je n’en ai rien à foutre. Il peut me la sucer… Je ne fais pas de la musique pour les gays. Je fais de la musique pour tous ceux qui ont besoin de l’écouter. »

Thérapeutique

La première fois qu’il entend une chanson gay, Mike a 13 ou 14 ans. On est au milieu des années 90. Avant son coming out. Un morceau d’Imperial Teen, groupe indé de San Francisco, le secoue.  » Un gars raconte qu’il embrasse quelqu’un et à la fin, tu te rends compte que c’est un homme. Je me souviens avoir fait « oh! » en demandant à mon grand frère si on pouvait vraiment dire des choses pareilles. Pour moi à l’époque, ça devait rester un secret. » Il lui est essentiel d’entendre qu’on peut parler ouvertement d’homosexualité et en même temps, il a l’impression de devoir cacher l’album.

Ado, Michael est malheureux. Rebelle. Il brosse sans cesse l’école. Fume beaucoup d’herbe. Et noircit inlassablement les pages de son journal intime.  » Beaucoup de choses me sont arrivées et quand j’ai réalisé que je pouvais boire, que ça enterrerait tout, c’est ce que j’ai fait pendant 10 ans. Après la boisson, je me suis dit que les drogues seraient plus efficaces. Et j’ai tout essayé. Elles permettent à certains de garder un équilibre dans leur vie mais ce n’était pas mon cas. Quand je l’ai compris, j’ai tout arrêté et je me suis mis à la musique. Je sentais que j’avais quelque chose à dire et que c’était le moyen le plus approprié de l’exprimer. J’avais tout essayé. Ça a été spirituel et thérapeutique. »

De son propre aveu, partager son expérience lui apprend à se sentir bien dans sa peau. A vivre avec les cicatrices du passé. La musique le libère. Semble l’ouvrir au monde.

 » Je ne parlais à personne quand j’écrivais mon premier disque. J’étais vraiment tout seul. Dans la maison de ma mère. Je n’avais pas de téléphone. J’ai beaucoup plus pensé aux autres en bossant sur ce 2e album. D’abord, il y avait la nervosité. Le fait que quelqu’un, je le savais, allait l’entendre. » Puis, surtout, il se demande pour qui il écrit? Qui ces chansons peuvent aider? « J’écoutais des trucs en grandissant qui me réconfortaient. Des trucs dans lesquels je me retrouvais. Les hommes et femmes cherchent toujours des gens qui peuvent les comprendre. C’est parfois très compliqué. J’aime l’idée d’écrire de la musique pour un gamin qui porte du rouge à lèvres dans une petite ville du fin fond des Etats-Unis. »

Majoritairement enregistré dans la campagne anglaise, au studio The Hatch – » J’aimais bien cette idée du singer songwriter à la ferme avec les chèvres, le froid, l’hiver; c’est mon côté dramatique« – et partiellement à Seattle – » dans un lieu où a bossé Pearl Jam et où un disque d’or de Nickelback est accroché au mur; je trouvais ça hilarant« -, Put Your Back N 2 it est l’£uvre d’un esthète avec du tempérament. Un fan de Bob Dylan, Lars von Trier, Michael Haneke. Puis aussi de Raymond Carver, Lorrie Moore, Dallas Monroe. John Parish (réquisitionné par PJ Harvey) n’a pas pu le produire mais il figure parmi les invités.

 » Le nom de mon album sonne comme le titre d’un disque de Prince ou d’un projet hip hop… Prince est un freak. J’aime les monstres. Et Prince est l’un de mes monstres préférés. Même Sinead O’Connor qui reprend Prince est une freak. Ma musique est sensible, calme. Certains peuvent penser qu’elle est veule, je ne suis pas d’accord. Le titre est dur. Comme l’album. Même si des gens l’imaginent comme une collection de berceuses. » l

RENCONTRE JULIEN BROQUET

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