Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

MUSICIEN ÉLECTRONIQUE MYSTÉRIEUX, PATTEN SORT DU BOIS AVEC UN DEUXIÈME ALBUM AUSSI TOUFFU QUE PASSIONNANT, BIEN MOINS PRISE DE TÊTE QU’IL N’Y PARAÎT.

patten

« ESTOILE NAIANT »

DISTRIBUÉ PAR WARP.

7

Ceci n’est pas un disque. C’est une énigme. Comme son auteur. Basé à Londres, patten (sans majuscule) refuse de révéler son identité, se débrouillant pour ne pas dévoiler son visage sur les photos de presse. Les titres mêmes de ses albums sont codés: après GLAQJO XAACSSO (en 2011), voici ESTOILE NAIANT. Le disque sort sur Warp, confirmant la verve retrouvée du label, qui a visiblement décidé de revenir quelque peu à ses fondamentaux. Soit une musique électronique pointue, volontiers expérimentale.

Cérébrale? C’est l’impression que pourrait donner patten, y compris quand on le rencontre pour une interview. Chaleureux et souriant, il est, comme son disque, aussi passionnant à suivre que touffu. Posez une question à l’intéressé (« good question », ponctue-t-il quasi systématiquement), il en trouvera deux autres cachées derrière, sous-pesant le moindre des mots lâchés dans la conversation. Exemple, basique: quand et comment avez-vous commencé à faire de la musique? « Hmmm, j’ai l’impression qu’il faut prendre le problème à l’envers. Je crois que la plupart des gens arrêtent de faire de la musique. Au départ, tout le monde en joue. Regardez les gamins: ils peignent, dessinent, jouent, glissent de l’imaginaire dans la réalité. Avec le temps, on a souvent tendance à perdre ça. » Le premier instrument? « Disons que… Je ne sais pas… Je me souviens d’une espèce de radiocassette karaoké, je m’amusais à en triturer le bouton de réverb’. Mais je pense que le premier instrument reste d’abord et avant tout mon esprit. Le matériel de base, ce sont les idées. Et le temps: celui qu’on a sur Terre, pour expérimenter, partager… »

Il ne faudrait cependant pas ranger tout de suite patten au rayon « musique opaque pour initiés ». Si le garçon ne remplira probablement jamais Forest National, il pourra susciter l’attention chez les amateurs de house déviante et d’électronique à haut potentiel psychédélique, fans de Flying Lotus (Softer, Drift) ou de Oneohtrix Point Never (Here Always). Et en général -on voudrait en tout cas le croire- de toute oreille un tantinet curieuse et avide de nouvelles sensations. Comme tout message crypté, ESTOILE NAIANT devra donc être analysé en détails et appréhendé globalement, de manière détachée. « Tout dépend de vos attentes, de la manière dont vous approchez la musique. Est-il par exemple difficile ou dérangeant d’écouter le bruit des vagues qui s’écrasent contre les rochers? On n’est pourtant pas dans une mesure 4-4… Par ailleurs, quand une musique ne présente pas de logique immédiate, est-ce un frein ou plutôt une invitation à jouer un rôle, à créer votre propre interprétation sans être obligé de penser d’une certaine manière? C’est tout de même étrange de trouver plus confortable la situation où l’on vous force à penser quelque chose plutôt que d’être confronté à un matériel qui vous laisse la liberté de vous l’approprier complètement, non? »

– EN CONCERT CE 23/02, AU STUK, LEUVEN.

LAURENT HOEBRECHTS

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