Entre le football et le cinéma, il y a une histoire commune centenaire, mais peu de films marquants pour autant. Revue des équipes…

Le constat a la sécheresse d’une frappe de Luc Nilis: s’il ne lui a fallu que quelques années pour monopoliser le petit écran, un siècle d’histoire commune n’a pas suffi au football pour s’imposer au grand, le cinéma ne lui dispensant ses faveurs qu’avec parcimonie. Certes, il s’est bien trouvé des films pour embrasser, dans la foulée de Harry the Footballer, court métrage de Lewin Fitzhamon réalisé en 1911, la cause du ballon rond, mis aux sauces cinématographiques les plus diverses: film de sport classique, comédies ou encore film social. Un courant qui ne semble d’ailleurs pas près de se tarir; mieux même, de marginale, la production tend à s’amplifier, le cinéma surfant sur l’essor tous azimuts d’un sport devenu phénomène de société. Cela étant, rares demeurent les £uvres marquantes, si tant est qu’elles arrivent sur nos écrans -tout récemment, encore, un film comme The Damned United, retraçant les 44 jours de Brian Clough à la tête du mythique club de Leeds United, s’est retrouvé directement en vidéo, en dépit d’un casting réunissant Michael Sheen (le Tony Blair de The Queen), Colm Meaney et autre Timothy Spall.

Le foot, à l’heure de la mondialisation

Depuis les origines, en effet, le foot au grand écran demeure une tradition essentiellement britannique. Il a, par exemple, fallu attendre 1937 pour voir le premier film français touchant au sujet ( Les rois du sport de Pierre Colombier, avec Fernandel et Raimu); quant aux Américains, l’intérêt de Hollywood pour le soccer est proportionnel à son taux de pénétration aux Etats-Unis, soit infinitésimal, à l’exception notable de Escape to Victory de John Huston. Constante, de The Arsenal Stadium Mystery à The Card; de Fever Pitch à Mean Machine, en passant par The Football Factory, d’après John King, la production anglaise demeure donc la référence en la matière, en dépit d’un rayonnement objectivement limité. Signe, toutefois, d’une mondialisation galopante, le football s’est déployé, depuis une dizaine d’années, sur de nouveaux champs cinématographiques: on pense par exemple à Linha de passe du Brésilien Walter Salles, à Shaolin Soccer du Hong-Kongais Stephen Show, ou encore à Hors-jeu de l’Iranien Jafar Panahi…

Toutes considérations culturelles et géographiques mises à part, reste la difficulté de faire converger des enjeux dramaturgiques essentiellement différents. Ce que traduit éloquemment une boutade: « La ligne dramatique d’un match est surprenante: on ne sait jamais, jusqu’à la dernière minute, quel en sera le résultat. Alors que l’on sait à la moitié de bien des films comment ils vont se terminer. » La formule est de Ken Loach, qui en connaît un bout sur la question, lui qui traîne ses guêtres chaque semaine dans les tribunes de Bath City, et à qui l’on doit 2 des meilleurs films ayant mis du football en scène, My Name is Joe et Looking for Eric (sans même parler de Happy Ending, sa mémorable contribution à Chacun son cinéma).

Pour contourner l’obstacle narratif, le foot est donc généralement le catalyseur d’enjeux d’un autre ordre. Une figure qui a non seulement traversé le temps (de L’angoisse du gardien de but au moment du penalty de Wim Wenders à L’année où mes parents sont partis en vacances de Cao Hamburger), mais aussi les genres: drame façon A mort l’arbitre! de Jean-Pierre Mocky ; comédie sociale façon Bend it Like Beckham, de Gurinder Chadha; étude sociologique façon Hooligans de Leni Alexander, documentaire politico-hagiographique comme Maradona par Kusturica, comédie loufoque sur le mode Didier d’Alain Chabat, à chaque réalisateur son style.

Jusqu’au grand John Huston qui se risquera, pour sa part, dans Escape to Victory à un hybride curieux, mélangeant film de guerre et film de foot. Et fera, pour le coup, appel à des gloires du ballon rond telles que Pelé, Bobby Moore ou Paul Van Himst -épaulées, Hollywood oblige, par un Sylvester Stallone aligné dans les buts. Dans ses Confidences (publiées chez Luc Pire), Van Himst se souvient de cette expérience: « Stallone voulait absolument marquer le but de la victoire. Il fallut pas mal de patience pour lui faire comprendre qu’un gardien de but inscrivant un but de jeu était tout sauf crédible. Le scénario fut modifié et Stallone put inscrire le but de la victoire sur penalty. » On ne saurait mieux traduire, sans doute, le caractère hautement improbable des relations entre foot et cinéma. Encore qu’un Ken Loach, toujours lui, ait joliment résolu l’équation, saupoudrant son Looking for Eric d’images documentaires d’actions d’anthologie d’Eric Cantona. Histoire de gagner sur tous les terrains…

Texte jean-françois pluijgers

« Si vous me donnez le choix entre un match moyen et un film moyen, j’irai voir le match.  »

Ken Loach, rencontré à l’occasion de la sortie de Looking for Eric.

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