Certes, il se sera bien trouvé un garçon pour se joindre à la bande de fashionistas visitant et dévalisant les villas de stars à Los Angeles dans le Bling Ring de Sofia Coppola. Cette nuance précisée, le rapprochement avec le Spring Breakers de Harmony Korine, équipée sanglante d’un gang de filles sur la côte floridienne, reste néanmoins tentant. Si la manière est différente, en effet, c’est bien la même vacuité qui apparaît en ligne de fond, habitant les protagonistes des deux films comme elle résonne d’ailleurs dans leur mise en scène. Korine joue habilement d’un clinquant outrancier pour livrer une mécanique tournant ostensiblement à vide, là où Coppola, dans la neutralité même de son propos, semble rejoindre l’absence de point de vue de ses protagonistes, dont les actes semblent n’avoir pour sens à leurs yeux que le « Let’s go shopping« sans conséquence asséné par l’une d’entre elles au moment de s’introduire dans une demeure aux allures de caverne d’Ali Baba. Si l’un et l’autre cinéastes sont trop malins pour s’avancer à découvert et signer des films à thèse, c’est bien une société déclinant les mirages de la consommation à tout crin qu’ils ont en ligne de mire, suivant une trinité fric, plaisir et célébrité flirtant avec le néant -à cet égard, on serait enclin à voir en The Bling Ring un pendant BCBG de Spring Breakers, histoires de « rebelles » sans plus guère de cause que de conscience.

L’autre courant dont tend à attester le film de Sofia Coppola, c’est l’essor d’un sous-genre cinématographique avec, en son coeur, la bande de filles, on y revient -tendance amorcée avec le bien nommé 17 filles de Delphine et Muriel Coulin. Inspiré d’un fait divers survenu aux Etats-Unis, et transposé en Bretagne, celui-là mettait en place une utopie communautaire, 17 adolescentes y concluant un pacte afin de devenir enceintes en même temps, en une façon de se soustraire également à la promesse d’un avenir désespérément bouché. Il y a quelque chose de ce même élan féministe dans l’épatant Foxfire, de Laurent Cantet -à savoir, dans l’Amérique des années 50, l’histoire d’un gang au féminin, teenageuses refusant de se conformer au rôle dans lequel la société voudrait les confiner. Et choisissant, face à l’ordre masculin, d’embrasser un destin de hors-la-loi, mues là encore par un idéal où l’individuel et le communautaire se confondent, jusque dans ce refuge ouvert « à toutes les femmes qui souffraient ». Sans doute, ces révoltes au féminin pluriel auront-elles encore en commun d’être vouées à une fin amère. Voire toutefois: en ne s’en tenant pas, à l’inverse des héroïnes de The Bling Ring ou de Spring Breakers, à la surface des choses, les Legs, Maddy et leurs comparses des fifties auront su donner à leur rébellion une résonance entêtante, quelque chose comme un parfum d’éternité…

JEAN-FRANÇOIS PLUIJGERS

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