LES BRUXELLOIS SORTENT LEUR PREMIER ALBUM, CANOPY. RIFFS POST-PUNK, BASSES REBONDIES, CLAVIERS SENTIMENTAUX… BIENVENUE DANS LE MONDE LUXURIANT DE GREAT MOUNTAIN FIRE.

C’est le dernier arrivé. « Désolé, je vérifiais si je ne retrouvais pas ma peau de serpent.  » Euh, autre chose?… « Non, non, je ne rigole pas, insiste Alexis Den Doncker. A l’époque, un grand-oncle a ramené un reptile du Congo. Il l’a légué au Musée.  » En l’occurrence, le Musée royal de l’Afrique centrale, à Tervuren. En attendant le début des travaux de rénovation, prévus fin de l’année, l’endroit a gardé tout son charme vintage. Ses masques tribaux, sa pirogue aussi longue qu’une transe de Konono n°1, son bestiaire exotique empaillé…

Dans un coin, pas loin de la figure « tintinesque » de l’homme-léopard, une classe de gamins, foulard rouge au cou, écoute attentivement l’un des guides. Antoine Bonan: « A mon avis, la dernière fois que je suis venu ici, je devais avoir leur âge… «  Soit, à vue de nez, 8-9 ans. A 12, il faisait du bruit dans un garage avec ses potes: les premiers pas cacophoniques de ce qui est devenu Great Mountain Fire. Dans la cafétéria du musée, le groupe se présente au complet. Il y a donc l’homme au serpent, Alexis Den Doncker, bassiste à la fine moustache de guérillero zapatiste; Antoine Bonan, guitariste; Tommy Onraedt, clavier; Morgan Vigilante, batterie; et enfin, Thomas de Hemptinne, chanteur principal, arrivé en cours de route. Tous sont nés autour de 1985, à Bruxelles, du côté d’Uccle. Ils se croisent à Nos Enfants, école fondamentale tendance Freinet, à Forest. Une cartographie socio-familiale express donne encore 2, 3 indices: le père de l’un qui cartonne dans un groupe disco (Tonic, et son hit Dancin’ In The Moonlight), un autre, batteur professionnel (Jean-Pierre Onraedt a joué notamment sur le Born To Be Alive de Patrick Hernandez)… La musique n’est jamais très loin. Cela ne dit cependant rien sur l’alchimie qui lie ces 5-là…

Jeu collectif

Il y a d’abord les Morbacks ( « les rois de la gratte », sic), puis Edgar Morbacks. A l’époque, 3, 4 chanteuses défilent. Puis, après un ultime essai avec un chanteur, la décision est prise: tout le monde prendra le micro. Cela devient presque sérieux: en 2005, ils gagnent un concours international (le Blast Beat). Alexis: « Ils nous ont envoyé une semaine à Dublin, faire la tournée des bars. On était logés dans un appartement sans eau potable. Alors on buvait du whisky. . . »

Juste après, Thomas de Hemptinne rejoint le combo. Alexis: « On s’était déjà croisés lors de l’une ou l’autre fête. Ce soir-là, on devait être en train d’improviser un truc sur un piano désaccordé avec Antoine, à 4 mains, quand Thomas est arrivé avec sa guitare à une corde. Cela a tout de suite collé. «  Le groupe qui s’appelle désormais Nestor! est au complet. Ça joue fort, rapide, mais surtout collectif. Les décisions se prennent ensemble, les compos se construisent à 5. Antoine: « Parfois, sur tel morceau, on ne sait même plus très bien qui a fait quoi. On n’est pas comme une équipe de foot, qui aurait besoin d’un meneur de jeu. On est plutôt une équipe de curling. Ou de bobsleigh. Ça existe des bobsleighs pour 5? ». Le groupe de rock, comme entité communautaire, voire démocratique.

Bestiaire

Une belle utopie? Canopy, leur premier album, donne en tout cas envie d’y croire. « Pour des raisons artistiques », Thomas de Hemptinne a pris le chant principal à son compte, « mais il n’y a toujours pas de leader », explique Tommy. C’était déjà frappant en décembre dernier, quand le groupe était passé par le Focus club, organisé au K-nal. C’est encore le cas sur Canopy. Tout le monde donne de la voix sur un disque qui respire l’esprit de gang, à la fois exubérant et sentimental (Alexis: « au pire, c’est de la mélancolie, soit le bonheur d’être triste »), instantané ( Late Lights) et brumeux ( Antiparos). Entre rock dansant, réminiscences post-punk, échos disco et fulgurance tropicale à la Vampire Weekend ( Crooked Head). Au passage, le groupe a une nouvelle fois changé de nom. Tommy: « Avec Nestor!, les gens se faisaient souvent une idée fausse de notre musique. On s’imaginait de la musique française un peu festive. «  Le nom ne correspondait plus non plus aux envies esthétiques du moment. « Il y avait une volonté de second degré qu’on n’a plus du tout aujourd’hui. On veut le supprimer. «  D’où Great Mountain Fire, plus neutre et ouvert. Plus naïf? « On se veut plus sincère et direct, c’est clair.  »

Groupe soudé, GMF n’est pas pour autant autiste: Jean Montevideo s’est chargé de la production et le chanteur écossais Theo Clark (finaliste du récent concours Unsigned Music Talents) a donné un coup de main pour les paroles. Des textes remplis de métaphores animalières ( Rrose Sélavy, et son histoire de zèbre amoureux dont les lignes s’effacent à force de courir fou, brouillant la vue du lion prédateur) et de sensations primitives ( Cinderella et « le sentiment d’enfermement que l’on peut avoir quand on est un garçon de 11 ans, et que l’on est entouré de filles qui, à cet âge-là, sont toujours plus belles, plus intelligentes. Comment trouver l’issue? », dixit Alexis).

Pour la pochette, le cliché d’un tigre dans la jungle laotienne enfonce le clou. Le titre, lui, désigne la canopée, partie supérieure des forêts tropicales. « Un endroit moite et organique, très vivant. A la fois transparent et lourd, sombre et lumineux. » Dans les vitrines du musée, les espèces rapportées approuvent. Welcome to the jungle…

GREAT MOUNTAIN FIRE, CANOPY, KONIJN MUSIC. EN CONCERT E.A. À LA FÊTE DE LA MUSIQUE (LE 18/06 À BINCHE, LE 19 À SAINT-GILLES), LE 25/06 AU VERDUR ROCK (NAMUR), LE 08/07 AUX ARDENTES (LIÈGE), LE 14/07 AU DOUR FESTIVAL, LE 24/07 AUX FRANCOFOLIES (SPA), LE 17/08 AU BRUSSELS SUMMER FESTIVAL

RENCONTRE LAURENT HOEBRECHTS, PHOTOS MATHIEU BUYSE

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content