Jean-Paul Rouve, frère de choeur: « Il n’y a pas de plus beaux moteurs que désir et plaisir »

"On ne dirige pas des acteurs. Si on doit les diriger, c'est qu'on s'est planté au moment de les choisir." © DR
Louis Danvers
Louis Danvers Journaliste cinéma

Le drôle et très touchant Lola et ses frères de Jean-Paul Rouve célèbre la famille avec un bonheur lucide.

C’est l’histoire d’un fils unique qui s’invente une fratrie pour un film qu’il coscénarise, joue et réalise à la fois. C’est une heure et quarante-cinq minutes de bonheur fragile offerte en partage par un artiste populaire qui sait tout à la fois être Jeff Tuche et consacrer un film (Sans arme, ni haine, ni violence, en 2008) à un gangster fameux. Jean-Paul Rouve a donné dans la bande, le collectif, avec les Robins des Bois de ses débuts. Il a su passer au duo (son faux Polnareff face au faux Claude François de Benoît Poelvoorde dans Podium reste un sommet), au solo (en écrivain amoureux du merveilleux Poupoupidou), mais c’est dans le film choral qu’il se retrouve toujours et encore le mieux, de Nos jours heureux au Sens de la fête en passant par La Très Très Grande Entreprise. Rouve est un partageux. Il aime donner. Faire plaisir. « Il n’y pas de plus beaux moteurs que désir et plaisir, je dois ressentir le premier et pressentir le second pour entreprendre un film de l’écriture au montage en passant par la réalisation », déclare celui dont Lola et ses frères est le quatrième long métrage derrière la caméra (1). « C’est à Bruxelles que nous sont venus l’envie et les thèmes du film, avec David Foenkinos, se souvient l’acteur-réalisateur-scénariste, Nous avions écrit ensemble mon film précédent, Les Souvenirs, et après sa sortie nous sommes allés passer quelques jours à Bruxelles, loin de l’agitation parisienne. On a commencé à échanger des idées qui nous tenaient à coeur, sur ce qui lie les générations, sur ce qui se transmet ou pas. Et tout d’un coup, le film était là, évident. Et le désir, un peu comme dans une relation amoureuse. »

Le ton particulier du film est le fruit d’une décision prise très tôt dans le processus et dont le cap fut maintenu tout au long. « J’aime la discrétion, la pudeur, faire des scènes d’émotion et désamorcer leur charge sentimentale avec une pointe d’humour et de recul. C’est quelque chose à quoi je tiens énormément dans mes films. Constamment jouer de ce balancier entre l’émotion et la comédie. Parce c’est la vie! Parce que la vie est faite comme ça. C’est ce qui me touche, c’est ce qui me fait. »

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Dans le même mood

L’ancrage social du film, l’exposition des défauts des personnages, la proximité du comique et du tragique, inscrivent Lola et ses frères dans une filiation avec le cinéma italien des années 1950 et 1960, celui des Risi et Scola. « C’est la comédie italienne qui a lancé ça, commente Rouve, en prenant les gens dans leur globalité, en les inscrivant dans la réalité de la société. Le cinéma français des années 1970 a suivi, mais cela s’est un peu perdu, depuis. Pour moi, parler de réalité sociale, c’est déjà parler des métiers. Je trouve intéressant de replacer les gens dans une réalité économique, avec des métiers comme en font les vraies personnes, dans la vraie vie. »

Ludivine Sagnier en avocate, José Garcia en directeur de chantier, Rouve lui-même en pharmacien. Tous trois absolument crédibles dans leur profession. Et aussi, surtout, en soeur et frères. « Le casting est plus qu’important, il est capital! », clame un réalisateur qui poursuit: « C’est au casting que tout se joue. Car on ne dirige pas des acteurs. Si on doit les diriger, c’est qu’on s’est planté au moment de les choisir. Il faut des gens qui comprennent ce que vous voulez faire, qui soient dans le même mood, dans la même psychologie. C’est comme ça que j’ai créé cette fratrie, sans tenir compte de rapprochements physiques entre les personnages. Les ressemblances devaient résider dans la façon d’être, dans la façon de jouer, d’interpréter! »

Lola et ses frères vient nous rappeler utilement l’importance des liens entre nous, thème aujourd’hui des plus cruciaux. « Je parle de l’époque où je suis, mais en même temps j’aime traiter de sujets universels. La question des relations humaines en est le coeur. L’amour, l’amitié, la jalousie, la famille. Et bien sûr la question des liens. Ceux qui sont écrits sur du papier, qui sont établis par la naissance puis par le fait de devenir soi-même parent. Mais surtout ceux qui peuvent se distendre, se briser, se recréer. Et ceux de l’instinct, qui nous dépassent, qui ne sont ni pensés ni contrôlés. »

(1) Outre Sans arme, ni haine, ni violence, il a aussi réalisé Quand je serai petit en 2012 et Les Souvenirs en 2014.

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