Forte impression

© CONFRONTATION © M. DESGRANDCHAMPS
Michel Verlinden
Michel Verlinden Journaliste

LE CENTRE DE LA GRAVURE DE LA LOUVIÈRE DÉROULE LE TAPIS ROUGE À MICHAEL WOOLWORTH, IMPRIMEUR-ÉDITEUR QUI A TRANSFORMÉ SON ATELIER EN LABORATOIRE.

Encore sous pression

CENTRE DE LA GRAVURE ET DE L’IMAGE IMPRIMÉE, 10 RUE DES AMOURS, À 7000 LA LOUVIÈRE. JUSQU’AU 07/05.

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L’homme est une exception culturelle à lui tout seul. Originaire des États-Unis, Michael Woolworth débarque à Paris en 1979. Il a à peine 18 ans. D’emblée, il se trouve un maître, Franck Bordas, avec lequel il chemine durant six années. À l’époque, l’atelier collabore avec des pointures: Erró, Hervé Di Rosa, Gilles Aillaud… Pas de meilleur casting pour mettre le pied d’un jeune idéaliste à l’étrier. En 1985 vient le moment de voler de ses propres ailes. Woolworth s’installe à son compte rue Saint-Louis-en-l’Île et s’attelle à un projet colossal, avec Roberto Matta, composé de 90 scènes inspirées par le Don Quichotte de Cervantès. Depuis le début de l’aventure, l’Américain aborde le genre avec une exigence totale. Cet imprimeur hors pair a pour particularité de travailler exclusivement à la main. D’autres perfectionnismes, non des moindres, le caractérisent: il ne signe que des oeuvres originales, pas de reproduction donc, et de ce fait, ne collabore qu’avec des artistes vivants. Ce n’est bien sûr pas la voie la plus facile mais, au bout du compte, Woolworth évite la complaisance, danger qui peut pendre au nez de l’image imprimée. Entre ses mains, cette pratique exprime toute sa vitalité. Au centre de son atelier, situé désormais rue de la Roquette dans le XIe, un matériel unique composé de trois presses de la fin du XIXe, ainsi qu’une autre, de taille douce, datant des années 70. Ce coeur vibrant est alimenté en permanence par une rencontre sans filtre avec les artistes -vidéastes, sculpteurs, peintres…- qui le sollicitent. Pas d’esquisse, ni dessin préparatoire, l’oeuvre est exécutée sur place et imprimée selon la volonté du créateur. C’est à ce moment-là que l’apport de Woolworth est déterminant: il fournit encre, couleur et papier au plus proche du désir esthétique originel.

Émerveillement

Déployée sur deux niveaux, Encore sous pression ravit le visiteur, un véritable enchantement pour l’oeil qui ne faiblit à aucun moment. Parfois, l’oeuvre est spectaculaire -on pense à l’immense « tapis », de 9 mètres sur 3, réalisé en lithographie sur un ensemble de 84 carreaux de plâtre avec José María Sicilia- mais elle ne fait pas moins d’effet quand elle est intimiste. Ainsi de cette Chambre du fils (2009), portant la patte du même plasticien, signe de la latitude à l’oeuvre. Cette lithographie bouleversante donne à voir un simple rayon de lumière surgi du noir, sanctifiant le lien familial de la manière la plus sobre qui soit. Autre temps fort, les multiples expérimentations formelles avec Jim Dine, maître du genre que l’éditeur fréquente depuis 2003. On découvre aussi bien une pierre lithographique ayant servi à l’impression du livre Pinocchio que Cheval blanc, une gravure sur bois récente (2015) témoignant de l’évolution d’un artiste qui abandonne ses motifs habituels au profit d’une abstraction éclatante. Mais il y a beaucoup d’autres raisons de s’extasier. En vrac: les compositions bleu clair et noir, tout aussi abstraites, d’un Christian Schwarzwald; le Narcisse I de Stéphane Pencréac’h, sorte de diptyque mythologique époustouflant; le calendrier composé de linogravures à main levée du Camerounais Barthélémy Toguo; ou encore les bois gravés sur papier Kraft intensément graphique de William MacKendree. Sans oublier les délicieuses lithos sur vélin d’Arches de Mélanie Delattre-Vogt, des images inspirées d’un manuel de congélation des années 70 montrant des mains en train de manipuler un poulpe.

WWW.CENTREDELAGRAVURE.BE

MICHEL VERLINDEN

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