Fête foraine

© Anders Sune Berg

Attraction londonienne prisée, la dernière exposition d’Olafur Eliasson à la Tate Modern se découvre comme un spectacle plaisant mais vain.

On a le souvenir d’être un jour monté enfantdans l’un de ces manèges de foire qui consistait en un parcours soi-disant effrayant à bord d’une sorte de petit wagonnet. Le tracé en question était émaillé d’apparitions peu convaincantes. Quelle ne fut pas notre désillusion au moment de débarquer: si la balade s’était avérée plaisante, l’émotion promise -la peur- n’avait surgi à aucun moment. Cet épisode navrant nous est revenu en mémoire après la découverte de la dernière proposition d’Olafur Eliasson (1967) à la Tate. Même électro- encéphalogramme plat au bout du compte. Fâcheux pour un artiste -n’est-il pas plutôt entrepreneur?- ayant placé sa pratique sous le signe de l’impact sensoriel activé par les nouvelles possibilités technologiques. On se souvient qu’en guise de manifeste, le Scandinave avait repris à son compte, en la détournant, une citation de Lázló Moholy-Nagy exhortant à  » ressentir ce que nous savons et savoir ce que nous ressentons« . Rendons à César, il nous est arrivé d’applaudir ce parcours des deux mains, notamment à la faveur de The Weather Project (2003), une installation monumentale dans le fameux Turbine Hall du musée londonien. Puissant, cet environnement perceptif fait surgir un soleil éclatant qui nous a totalement médusé… Au point de rester couché une heure durant sous cet astre entouré de brume, suggérant une lumière d’apocalypse. Hélas, pas un seul instant In Real Life ne nous a donné l’envie d’une contemplation approfondie, pas plus qu’il a induit une quelconque introspection. Porté par la foule, on a suivi le parcours, à la manière d’un automate indifférent, transporté par des rails imaginaires parmi la quarantaine d’oeuvres exposées.

Divertissement visuel

Pourtant, au fil du parcours, les tentatives de séduction ne manquent pas. Il y a les sobres. Ainsi de Moss Wall (1994), un mur entier à l’aspect velouté tapissé d’un lichen odorant. Il y a aussi ce petit miroir convexe suspendu qui rappelle l’arrière-fond des Époux Arnolfini, le célèbre tableau attribué à Jan Van Eyck. À cette différence près que la version du plasticien danois donne à voir une image inversée du monde… qui défile ainsi la tête en bas. On pourrait encore parler de Rain Windows (1999), dont le titre résume littéralement le propos, voire de Beauty (1993), l’oeuvre la plus esthétique selon nous, qui consiste en une pluie colorée ondulante. À côté de cela, Eliasson et son studio déroulent l’artillerie lourde du divertissement visuel. On pense à Big Bang Fountain (2014), une série de visions stroboscopiques jaillissant littéralement d’une eau en mouvement. Ou Your Spiral View (2001), un tunnel kaléidoscopique que l’on emprunte en observant les miroirs qui composent un autre reflet du monde à chaque pas. Mais la plus spectaculaire serait sans doute Blind Passenger (2010), un long couloir empli de brouillard dans lequel on fait l’expérience d’un voir chromatique débarrassé de tout objet. On écrit « serait » car ce sillon a été exploré plus tôt et de manière plus intéressante par Ann Veronica Janssens. En conclusion, on quitte ce barnum bondé la tête vide et l’oeil creux, heureux de passer à autre chose.

In Real Life

Olafur Eliasson, Tate Modern, Bankside, à Londres. Jusqu’au 05/01.

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www.tate.org.uk

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