« Notre époque a dépassé la performance pure: les techniques circassiennes sont devenues celles de l’expression du corps et de la personne, d’une quête de soi. Les gens qui étudient le cirque aujourd’hui à l’ESAC ou dans d’autres écoles internationales viennent avec un potentiel de haut niveau -de la gymnastique, du sport, de l’acrobatie- et l’envie de développer l’art de la prouesse comme celui de l’image. Le corps est notre outil de travail mais le cirque est désormais décloisonné, ce qui n’empêche pas que, pour arriver à une certaine forme d' »exhibition », c’est hyper astreignant, autant que pour un sportif de haut niveau. »

Catherine Magis (1969) est directrice artistique de L’Espace Catastrophe à Bruxelles, qui croise beaucoup d’aventures circassiennes. Elle est la programmatrice principale du Festival UP!, biennale de cirque qui, en seconde partie de mars, propose en une douzaine de lieux bruxellois, 22 spectacles sur une quarantaine de soirées. Catherine parle du corps collectif, comme dans le spectacle La Meute, où les acrobates se (re)composent en pyramides humaines, chacun étant vêtu d’un simple drap de bain accroché à la ceinture: « Ils se font envoyer en l’air dans des trucs de oufs (sic). Le message est clair: on se met (presque) à nu dans un travail collectif avec une foi aveugle, une confiance extrême. Si cela ne fonctionne pas, les acrobates risquent de se casser la gueule et de perdre, littéralement, leur « slip »… « . Au Festival UP!, le corps est forcément un transmetteur culturel, ainsi le duo homme-femme du Palestinian Circus. Catherine: « Je suis allée là-bas et j’ai compris que la mixité est une réalité difficile. Mais quand tu es dans la pratique circassienne, tu n’as pas d’autre choix que d’entrer en contact physique. Alors ces deux-là, Ashtar et Fadi, sont sortis de Palestine et ont suivi des formations en Italie ou en France, ont fait leur parcours, souvent tiraillés entre les réalités de l’Occident et de l’Orient. C’est pourtant là qu’ils vont pouvoir faire passer leurs propositions d’un « autre corps » mais pas seulement: ils peuvent aussi être amenés à travailler avec des artistes israéliens, par exemple, franchir des frontières qui ne paraissaient pas forcément possibles. »

Le cirque voyage dans le temps -depuis au moins 1000 ans- comme dans les géographies. Ou dans l’identité, notamment sexuelle. « Longtemps, le corps au cirque a été divisé entre les machos et les femelles paillettes qui devaient être belles et se taire (sourire). En partie grâce aux écoles de cirque, le rôle des hommes et des femmes a été redistribué, le cirque s’est personnalisé.  » Citant au passage l’étonnant spectacle Extension du Cirque Inextrémiste -où un gars en chaise roulante « manipule » ses comparses via une grue-, Magis souligne la force qui préside aux créations circassiennes, poreuses à la danse, au théâtre, aux images et disciplines en tout genre. « La force n’est plus seulement physique, elle est également mentale: désormais les meurtris de la vie -comme ce circassien qui a perdu une jambe suite à un cancer- continuent leur quête. Cela n’aurait pas été possible il y a encore 30 ans. Aujourd’hui, le cirque cherche et accepte des corps différents, comme ceux des handicapés mentaux qui ont travaillé avec des pros dans le spectacle que j’ai mis en scène (Complicités): au lieu de gommer les choses qui pourraient déranger, les circassiens travaillent désormais avec…  »

FESTIVAL UP! EN DIVERS LIEUX DE BRUXELLES, DU 19 AU 30/03, WWW.UPFESTIVAL.BE

PH.C.

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