ERIC MARAVÉLIAS PUBLIE SON PREMIER ROMAN À 52 ANS, DONT 30 DE TOXICOMANIE ET 10 DE SEVRAGE. SA « BIO ROMANCÉE » SENT DONC LA DOPE, LE DÉSESPOIR ET LE VRAI.

La Faux Soyeuse

DE ERIC MARAVÉLIAS, ÉDITIONS SÉRIE NOIRE GALLIMARD, 254 PAGES.

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Franck se réveille un matin de 1999, « baigné d’humeurs poisseuses et dans mon corps, mille douleurs« . Le même matin depuis près de 20 ans, la même souffrance du toxicomane, « broyé par l’étau de cette insupportable absence de came. Anéanti par la maladie« . Et, vraiment, au bout du bout du rouleau du fond du puits… Ce dernier réveil  » en manque  » de Franck va ouvrir la porte de ce premier roman à 20 ans de souvenirs en banlieue parisienne, racontés à la première personne, des snifs d’éther au grand plongeon de l’héroïne. Un livre sombre sur un sujet déjà lu, vu et débattu, mais plus rarement connu, et de près, par ses auteurs. Eric Maravélias assume, comme il nous l’expliquait récemment au festival Quais du Polar, à Lyon: « Je ne suis pas Franck, il fait des choses que je n’ai pas faites. Mais tout ce qu’il décrit, je l’ai vécu. Tout est vrai, mais rien n’existe tel quel. » Eric Maravélias a donc connu des années de réveil en manque -« c’était ce que je faisais, tous les matins: je pensais à me shooter parce que j’étais malade, ou à trouver des cachetons, ou de l’oseille« – et croisé bien des tragédies humaines, qui forcément cognent dur et juste dans La Faux Soyeuse: « Les parents qui se shootent directement dans leur voiture, en se refilant leur bébé, un gars qui a 40 euros pour aller chercher de la bouffe à son môme, mais qui va plutôt s’acheter un fix… Ça n’a rien d’extraordinaire. La came prime. Et on finit tous avec cette question, qui ouvre le roman: comment suis-je descendu si bas? »

Poésie urbaine

Eric Maravélias n’est pourtant ni un romancier, ni un ancien tox, comme les autres. Si son premier roman, entamé il y a plus de dix ans, exhale évidemment la catharsis, on aurait tort de le réduire à un « simple » témoignage: fou de vers depuis sa jeunesse -« oui, même chez les toxicos, il y a des richesses qu’on ne voit jamais« -, l’auteur déploie ici une écriture instinctive et peu commune dans l’exercice, mêlant argot et poésie. Et compte bien profiter de cette nouvelle vie sans se laisser enfermer: « Les prochains livres parleront d’autre chose. J’ai dit ce que j’avais à dire sur le sujet, j’essaierai de ne pas être réduit à ça. Depuis, j’ai écrit cinq thrillers, 100 poèmes, beaucoup de nouvelles noires… J’ai soif d’écriture. » Il ne nourrit en tout cas aucune autre ambition que littéraire avec sa Faux Soyeuse, y compris pour ceux qui s’y reconnaîtront: « Un tox, ce n’est pas un bouquin qui le fera arrêter, mais la galère: tu arrêtes par lassitude, par dégoût, et seul.  »

PROPOS RECUEILLIS PAR OLIVIER VAN VAERENBERGH

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