Louis Danvers
Louis Danvers Journaliste cinéma

Le film « noir » a marqué de son empreinte l’histoire du cinéma. De manière indélébile, et en infiltrant d’autres genres, sur la forme comme sur le fond.

On pourrait consacrer des livres à l’influence du film noir, qu’elle soit thématique ou stylistique, dans l’application de ses codes ou dans leur subversion. D’ailleurs, on l’a fait! Et la matière déjà très abondante ne cesse de s’enrichir au fil des années. Témoin encore, récemment, cet ultra violent The Killer Inside me inspiré à Michael Winterbottom par le roman de Jim Thompson. Ou le tout juste sorti The Town, de et avec un Ben Affleck ne cachant pas son admiration pour le genre et ses classiques des années 40 et 50. Le « noir » et ses figures continuent et continueront encore longtemps à susciter des hommages, des clins d’£il, voire carrément des plagiats. Et cela bien par-delà les frontières du polar et du film criminel, dans des domaines en apparence aussi éloignés que la science-fiction ( Blade Runner), le western ( Unforgiven), le fantastique ( Angel Heart) ou l’animation ( Peur(s) du noir, Who Framed Roger Rabbit), pour ne citer que quelques exemples dans un liste bien longue.

Avec le blues, le jazz, le western, le rock’n’roll, le pop art et l’expressionisme abstrait, le film noir est l’un des apports américains les plus incontestables à la culture artistique mondiale.

C’est pourtant par référence à un phénomène d’édition… français, la « Série noire » de Gallimard, que l’appellation s’est popularisée. L’âge d’or du genre dura du début des années 40 (et The Maltese Falcon de John Huston) à la fin de la décennie suivante ( Touch Of Evil d’Orson Welles), mais il est resté un courant de fond résistant à toutes les modes et désaffections. Lui-même largement inspiré par les livres de Dashiell Hammett, Raymond Chandler et autre James M. Cain, le film noir a imposé quelques figures majeures. D’abord le détective privé, comme Sam Spade ( The Maltese Falcon) et Philip Marlowe ( The Big Sleep), tous 2 interprétés à l’origine par le grand Humphrey Bogart. Tous les enquêteurs usés ou blasés, ironiques ou cyniques, et généralement manipulés, qu’on a pu voir depuis au grand ou au petit écran, viennent de cette double matrice. Autre figure marquante: la femme fatale, manipulatrice, prédatrice, motivée par le sexe et l’argent, et entraînant le mâle vers sa perte. Barbara Stanwick (dans Double Indemnity de Billy Wilder) et Lana Turner (dans The Postman Always Rings Twice de Tay Garnett) restent les références d’une galerie où s’inscrivirent quelques variations surprenantes comme… Jessica Rabbit, Theresa Russell dans Black Widow de Bob Rafelson, Jessica Lange dans le « remake » de The Postman Always Rings Twice (du même réalisateur), ou Rebecca Romijn dans… Femme fatale de Brian De Palma.

Mais l’influence du film noir est aussi de nature morale et stylistique. Morale quand son atmosphère intensément pessimiste trouve des échos chez Eastwood ( A Perfect World, Mystic River) ou chez David Lynch ( Blue Velvet, Lost Highway). Stylistique quand les ambiances visuelles héritées de l’expressionnisme allemand, et fondatrice de l’esthétique du genre, trouvent des échos en noir et blanc ( Suture de McGehee et Siegel) mais aussi en couleur (le « remake » aux teintes saturées de Farewell My Lovely par Dick Richards). Certains films réunissant carrément la somme de l’héritage « noir », comme l’admirable L.A. Confidential, adapté de James Ellroy par Curtis Hanson voici une petite quinzaine d’années… l

Louis Danvers

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