Exfiltrations – Bienvenue en Tchétchénie

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 » C’est absurde. Nous n’avons pas de gens comme ça ici. S’il y a des gays, emportez-les au Canada pour purifier notre sang. (…) Ils sont le diable. Il faut s’en débarrasser. Ce ne sont pas des hommes. » En 2017, alors que HBO Sports s’était aventuré à Grozny pour interviewer le président tchétchène Ramzan Kadyrov sur les arts martiaux mixtes (passion qui sert de base aux entraînements militaires tchétchènes), le journaliste David Scott avait questionné le dictateur sur les arrestations, tortures et exécutions d’homosexuels. En avril de cette année-là, le quotidien Novaya Gazeta a attiré l’attention sur les atrocités commises à l’encontre de la communauté LGBTQ. En Tchétchénie, l’homosexualité est considérée comme une infamie, un déshonneur tel qu’il ne peut être lavé que dans le sang. Emprisonnements, lynchages, décharges électriques sur ordre du président… Le pouvoir, quand il ne s’en charge pas lui-même, invite les familles à terminer le travail.

Informé de la catastrophe, de ces traitements inhumains et de ces violations sidérantes aux droits de l’homme, David Isteev mène avec l’association Réseau russe LGBT de dangereuses missions de sauvetage. Planquant les victimes en lieu sûr avant de les envoyer aussi discrètement que possible dans les pays prêts à les accueillir, David et sa bande ont d’abord créé un refuge secret à Moscou. En deux semaines, ils ont fait sortir quinze personnes du pays et ce n’était que le début. Glaçant et terrifiant, rythmé par quelques vidéos insoutenables qu’ont interceptées des activistes (oui, au XXIe siècle, des gens se font encore mutiler et tuer dans un pays prétendument laïque pour leur orientation sexuelle), Bienvenue en Tchétchénie raconte le règne de la terreur. Les pièges tendus par la police et les passages à tabac. Le chemin semé d’embûches et les exfiltrations sous tension. Soutenu dans ses dénégations par Vladimir Poutine qui pour le coup n’est pas le bourreau mais laisse agir en toute impunité, Kadyrov se sert encore et toujours de l’homophobie pour asseoir son pouvoir.

Spécialiste des questions LGBTQ, le journaliste d’investigation, auteur et réalisateur américain David France ( How to Survive a Plague, The Death and Life of Marsha P. Johnson) signe un vibrant et indispensable appel à l’action. Son film (prix du meilleur montage documentaire l’an dernier à Sundance) utilise une technique novatrice de face mapping pour préserver l’anonymat des victimes et a maquillé numériquement, pour leur sécurité, les personnes menacées. À voir absolument.

Documentaire de David France.

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