DÉBORAH FRANÇOIS EST FORMIDABLE DANS POPULAIRE, HABITANT UN RÔLE QU’ELLE MAGNIFIE AVEC UN PLAISIR EXTRAORDINAIREMENT COMMUNICATIF.

Quand elle avait fait La Tourneuse de pages juste après L’Enfant, on s’était déjà demandé si la jeune actrice liégeoise, même pas 20 ans à l’époque, n’était pas capable de tout jouer. A l’heure où paraît Populaire ( lire critique page 31) de Régis Roinsard ( lire portrait page 42), la question ne se pose même plus! Magnifique dans un personnage de Rose qui lui offre un bouquet d’émotions différentes à exprimer, elle passe de l’anonymat provincial et de l’innocence au glamour via une affirmation et une détermination des plus impressionnantes. Si le succès public est au rendez-vous (et il devrait l’être), il y aura pour Déborah François un avant et un après Populaire

Cette époque des années 50 où se situe l’action de Populaire vous parle-t-elle directement?

Elle me passionne. Certes elle me parle uniquement via les films. Mais quels films! Enfant déjà, j’adorais les comédies romantiques des années 50… Pour préparer le film, j’ai reçu plein de documents, de photos, plein d’archives télé, de publicités, de magazines de l’époque. Je me suis imprégnée des attitudes, des poses, du parler…

Les fifties, ce n’est que le tout début des luttes féministes… Mais le cinéma de Hawks, de Wilder, avait déjà multiplié les personnages de femmes contestant le pouvoir masculin, jusqu’à renverser les rôles parfois!

C’est une période charnière. Et c’était en effet très intéressant de jouer ce dont vous parlez dans Populaire. Rose a peut-être et même probablement vu certains de ces films américains, ça lui a peut-être donné des idées (rire)!

Quand vous pensez au cinéma des fifties, une figure se détache-t-elle?

J’aime beaucoup Audrey Hepburn! C’est une telle évidence. Elle a tout. Elle est racée, adorable. Il y a dans son visage quelque chose d’une pureté folle. Et quelle classe! Elle n’a pas cette beauté froide qu’avait une Grace Kelly, ni cette approche disons facile qu’a Marilyn. Elle traverse tout comme une danseuse, une ballerine… Et ce qui émane d’elle est unique. Elle irradie de manière inexplicable. A vrai dire, elle n’a pas le physique de l’époque, elle n’a pas de hanches, pas de seins, elle n’a rien des canons de la beauté d’alors! En fait, elle n’aurait jamais dû réussir à l’époque… Mon personnage dans Populaire est elle aussi fan d’Audrey Hepburn. Et quand j’ai lu cela dans le scénario, je me suis dit:  » Rose, c’est moi! » (rire)

Y a-t-il encore aujourd’hui des codes physiques limitant les possibilités d’une jeune comédienne de décrocher tel ou tel rôle? Ou tout est-il devenu possible?

Je ne sais pas. Peut-être. Mais je ne m’y suis pas encore retrouvée confrontée.

L’enchaînement du très réaliste L’Enfant et de l’hitchcockien La Tourneuse de pages, deux films et deux rôles on ne peut plus différents, avait d’emblée révélé votre registre très étendu…

J’ai toujours voulu me diversifier. Ne pas risquer de me trouver enfermée dans une case. On dit parfois qu’il faut se trouver un créneau, quand on est jeune et qu’on démarre. Je n’aime pas les créneaux. Fait chier, les créneaux (rire)!

Sur quoi portait l’essai que vous avez passé pour obtenir le rôle de Rose dans Populaire?

C’était la première scène, la scène de l’entretien d’embauche, quand Rose se présente pour tenter d’obtenir l’emploi de secrétaire. C’était drôle, ce parallélisme entre ce que nous vivions, elle dans la fiction et moi dans la réalité! Il était écrit dans le scénario que Rose devait rougir durant la scène. Et j’ai rougi…

Une chose qui, en principe, ne se commande pas!

(rire) Je le confirme, on ne peut pas contrôler ça…

Qu’est-ce qui vous faisait le plus envie, dans ce personnage?

L’évolution qu’elle vit, toutes ces émotions successives qu’elle ressent tout au long de l’histoire. L’amener à passer par tous ces états émotionnels est quelque chose de passionnant pour une comédienne. J’aimais aussi beaucoup l’originalité du scénario, la manière intelligente, subtile, dont il était écrit. C’est rare de lire une comédie comme ça. C’est une pépite de scénario!

L’accent y était-il déjà mis sur le rythme, la musicalité, qui marquent tant le film?

Oui. Techniquement parlant, une comédie qui n’aurait pas son rythme dès l’écriture, vous ne pouvez pas la sauver ensuite, même avec des trésors de jeu. Là, sur la page, ça fonctionnait d’évidence. Ça ne pouvait pas rater, pour peu que la réalisation, les comédiens, fassent ce qu’il fallait faire…

Cette jubilation qu’on ressent à vous voir évoluer dans le film est-elle une réponse à une jubilation intérieure qui serait la vôtre à le jouer?

C’est la toute première fois, en tout cas, que j’ai l’occasion de jouer un personnage aussi essentiellement fantaisiste. Dans les comédies que j’ai pu faire avant, ce qui était drôle, c’était le contexte, ce qui peut arriver au personnage. Ici, cela vient du personnage en lui-même, parce qu’il est un peu plus que réel, un peu décalé. Ce côté décalé, je l’ai aussi dans la vie. J’avais très envie de mettre ça quelque part mais je n’avais pas encore trouvé de film pour le faire. Alors, oui, le plaisir éprouvé était grand, très grand.

On vous sent exulter quand vous échangez avec Romain Duris ces répliques courtes et percutantes, débitées à toute vitesse, façon films de la Warner des années 40…

C’était la référence, en effet. J’ai adoré ça! Tac tac tac, beat… Tac tac tac, beat… C’est du rythme pur, comme la machine à écrire de Rose. Et ce rythme, il faut l’avoir, il faut capter le beat, ou ça ne marche pas!

RENCONTRE LOUIS DANVERS

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content