État d’ivresse

« Lorsqu’on vous accuse d’avoir perdu toute dignité, vous pouvez tout vous permettre. » Par cette simple phrase, terrifiante, la narratrice de Denis Michelis plante dès la moitié du roman le premier clou de son cercueil. Journaliste psycho-pipeau en bout de course, mère d’un fils plus mature qu’elle à bien des égards, délaissée par un mari et des amis épuisés d’avoir tout tenté, elle s’étiole désormais en huis clos, des litres de gnôle à portée de main, déchirée entre la mauvaise foi caractéristique de l’alcoolique sévère et le souci illusoire de se maintenir à flot. En son for intérieur, une voix vacharde la tance sans ménagement, se caractérisant par une cruauté dont l’auteur lui-même semble se délecter, mais lui permettant aussi parfois, dans un éclair de lucidité, de livrer quelques analyses pertinentes sur la manière dont sont (mal)traités les galériens, les prolos, autant que ceux qui acceptent inexorablement de rejoindre leurs rangs après un pacte signé avec la dive boutanche. Si l’on peut regretter l’absence du recours jouissif à l’outrance fantastique que faisait Michelis dans son précédent La chance que tu as, au prix d’une narration parfois trop lisse ici, on retrouve avec plaisir une écriture singulière, un ton volontairement troublant, un style direct, presque radical.

De Denis Michelis, Notabilia/éditions noir sur blanc, 166 pages.

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