LE 15 MARS, AUX PIAS NITES, DEUS FÊTERA LES 20 ANS DE SON 1ER ALBUM. INSUBMERSIBLE, WORST CASE SCENARIO RESTE UN ALBUM CLÉ. POURQUOI? COMMENT? POUR FOCUS, DAVID BARTHOLOMÉ (SHARKO) REVIENT SUR LE DISQUE QUI AURA DÉFINITIVEMENT PLACÉ LA BELGIQUE SUR LA CARTE DU ROCK.

« Fri-day! Fri-day! Fri-day! » Tonnés derrière comme une délivrance (« C’est le week-end! ») ou comme une folie obsessionnelle (« Faut que je tienne jusque-là! »), la cavalerie devant et ce violon effronté en intro lancinante! Woaw… Le single Suds & Soda de dEUS et l’album Worst Case Scenario sortaient il y a 20 ans tout juste, marquaient une génération et exaltaient les plaques tectoniques du paysage musical belge.

La première fois que j’ai entendu parler de dEUS, c’était au foot. Un gars à moitié à poil dans le vestiaire s’est enthousiasmé: « Un groupe de rock belge a signé à Londres sur une major, tu t’rends compte? A la base, ils sont sur un petit label de Namur! » Voilà le cadre: un vestiaire, un nom un peu bizarre en latin, un groupe flamand qui fait du rock signé par un petit label de music-lovers wallons (Bang!) et la vue sur une brèche énorme. C’était donc possible… Et cela semblait ouvrir la porte à toutes les fenêtres: courants d’air de vocations, de concerts, de chansons. Et le public belge de s’éveiller avec ferveur, les radios de sensibiliser, les petites salles de s’équiper, les festivals de diligenter (et la classe politique de s’émouvoir). Mouvements socio-économiques, culturels, blabla, politiques, linguistiques, la Flandre, la Wallonie, SMart, les frères Dardenne, le cinéma flamand, la vague belge, la « frit pop », je mélange tout, c’est normal je suis pas Bourdieu, merci hein.

Musicalement, dEUS, bien sûr, c’était Zappa, Beefheart, Pixies, Nirvana, tout ça. Explosif, organique, surprenant, habité et beaucoup plus encore: dans un système ronflant où tous les jeunes aspirants musiciens belges se demandaient: « Comment faire, ici maintenant?« , dEUS, eux, ils avaient fait. Dans un système où nous, jeunes « branleurs-bohèmes » ambitieux et rêveurs, ne savions pas comment faire pour combler les usines à variétés et accéder à l’autel de l’attention d’un label, dEUS, ils s’en foutaient, ils faisaient. Dix ans après dEUS, le 12 février 2004, le « petit » label Bang! fêtait ses dix ans d’existence à l’Ancienne Belgique. Initialement prévue dans le petit club, la fête a débordé rapidement dans la grande salle de l’AB avec les trois groupes prometteurs du label: Girls in Hawaii, Sharko, Ghinzu. Ce jour-là, aux dix ans de Bang!, nous étions tellement ébahis, tellement surpris, le doigt tombé par hasard sur le pouls d’une vitalité collective. L’AB remplie pour trois groupes wallons et tout le secteur francophone cette fois-ci en branle.

Au bon souvenir de cette date, l’autre jour, je me suis demandé: « Étions-nous là au point culminant d’une « vague socio-économique et culturelle » du « rock belge francophone » ou juste au « début » d’une « dynamique d’un secteur?«  » Sujet de mémoire, de thèse, interro surprise en français, rédaction relou du mercredi de colle, oui, allez-y.

PS1: 20 ans (ou dix ans) après, je suis en plein questionnement sur mon parcours personnel, et je crois que la continuité de cette ligne pourrait se nommer BRNS: des arrangements, une idée, un engagement, une disposition, une synergie. Voilà, il y a cette ligne- là: dEUS, les dix ans de Bang! avec les groupes wallons, et éventuellement maintenant BNRS. Voilà qui me semble cohérent.

PS2: Aaaaah, les premières notes de Hotellounge qui reste mon morceau préféré de dEUS. Ces notes de guitares bancales, schieve, à l’foufelle sur un manche tordu où tu ne sais plus quelle corde joue quoi… Oui, c’est ça. Ce riff à la Rimbaud (ça n’engage que moi) où on sent tout l’amour et le spectre de la Belgique. Sa bière, sa mer, ses carrelages d’Ypres, son surréalisme et sa tendresse parfois, ses moules, Ostende, Anvers, Gand, Athus. Cette intro a ouvert la bouteille d’une telle substance -woaw, je me souviens encore la première fois, et mon incrédulité devant tant d’audace et de folie réunies.

Et plus tard, dans ce contexte, alors que nous priions pour que dEUS ne soit pas qu’un feu de paille de gamins bourrés, découvrir le cul par terre Theme from Turnpike, Roses, Little Arithmetics et le reste du deuxième album… Putain, 20 ans… « Friday Friday Friday! »

* RÉCEMMENT ÉCHAPPÉ EN SOLO (COSMIC WOO WOO), DAVID BARTHOLOMÉ A SORTI CINQ ALBUMS AVEC SHARKO, PARMI LES PREMIERS COMBOS ROCK BELGES ISSUS DU SUD DU PAYS À S’ENGOUFFRER DANS LA BRÈCHE OUVERTE PAR DEUS, AU MILIEU DES ANNÉES 90.

TEXTE David Bartholomé*

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