À 34 ANS, SKWAK NE CONNAÎT NI LA CRISE, NI L’ANGOISSE DE LA PAGE BLANCHE. GRÂCE À UN UNIVERS EXUBÉRANT, CET ILLUSTRATEUR LILLOIS A FAIT DE SON PSEUDO UN LABEL PRISÉ INTERNATIONALEMENT.

C’est Chez Morel, adresse connue de Lille, que Skwak donne rendez-vous. La tentation est grande de trouver dans cette enseigne un peu foutraque les clés de son £uvre foisonnante traversée de créatures grimaçantes aux yeux exorbités. Peine perdue, dès qu’il arrive, casque de scooter au bras, le Lillois décourage toute lecture facile:  » Le lieu ne dit rien de moi, je m’y sens bien, c’est tout… Même si le café est infect. » Accompagné de son agent artistique, Skwak passera l’interview entière à se cacher derrière son travail. D’un naturel plutôt timide et rangé, l’illustrateur mène une tranquille vie de couple avec enfant. D’ailleurs, il prévient d’emblée:  » A 16 h 15, il faut que j’aille chercher mon fils à l’école… » Ce jardin précieux, le créatif entend plus que jamais le préserver au moment où la notoriété le rattrape. Questions-réponses alors qu’une expo à la Fnac Toison d’Or -dans la foulée d’une souris d’ordinateur réalisée pour Microsoft- lève le voile sur son univers particulier.

L’illustration a-t-elle toujours été pour vous une évidence?

J’ai toujours été passionné par l’illustration mais mon parcours n’est pas linéaire pour autant. Après un master en Art et Communication, j’ai bossé en agence. Le travail me convenait moyen, c’était trop « corporate » à mes yeux. Du coup, je me suis lancé à mon compte, c’était il y a 7 ans. J’ai d’abord tâté le terrain en passant mon temps sur des forums de graphisme tels que Computer Love, Newstoday et Artoyz. Cela m’a permis de me créer un réseau. Les premières commandes sont arrivées et, dans la foulée, le magazine Beautiful Decay, à Los Angeles, m’a proposé de répondre à une interview. Comme ils aimaient mon travail, ils m’ont demandé de faire la cover du numéro. Il n’en fallait pas plus pour que je sois lancé. Après, je n’ai plus jamais eu besoin de solliciter qui que ce soit. Les propositions sont venues à moi. Des grosses boîtes comme Nike ou Levi’s mais aussi MGMT qui m’a demandé de faire la première pochette du single Kids avant que le morceau ne soit remixé et connaisse le succès que l’on sait. C’est aujourd’hui un collector.

Vous avez développé « Maniac World », une sorte d’univers parallèle peuplé de créatures étranges…

Oui, il s’agit d’un miroir déformant dans lequel règne le « trop », l’accumulation. Il n’y a pas de place pour le vide. Il s’agit pour moi d’une sorte de réservoir graphique que je pousse à son paroxysme. Malgré son apparence délirante, « Maniac World » répond à des règles strictes, je m’interdis plein de choses. En revanche, je m’autorise à faire évoluer cet univers en respectant ces codes. Il y a un côté très ludique et invasif à tout ça. Cela débouche sur des variations graphiques -je déborde sur des supports tels que les t-shirts, des toys, des sneakers…- mais aussi sur des £uvres participatives à la manière de ce que j’ai fait récemment à l’Atelier des Enfants du Centre Pompidou. Soit une fresque murale que les petits pouvaient colorier comme ils le voulaient.

D’où vient le pseudo Skwak?

Je l’ai choisi sur base de sa seule sonorité à un moment où tout le monde prenait un pseudo. Il y a beaucoup d’aléatoire là-dedans. N’empêche, par la suite, je me suis rendu compte que cela faisait sens. Entre autres parce que ce pseudonyme me permet de faire le tri -sur Facebook, sur Twitter…- entre ma vie professionnelle et ma vie privée. Et puis peut-être parce qu’en slang, « skwak » veut dire « charlatan », ce qui n’est pas sans ironie…

Par certains aspects, votre travail évoque celui de Keith Haring ou de Jean-Michel Basquiat… A-t-il lui aussi une connexion avec la rue?

Pas du tout. J’ai bien collé quelques stickers dans Lille au début de mon activité mais l’aventure s’est arrêtée là. C’est vraiment pas mon truc, en plus je ne suis pas du tout à l’aise avec une bombe. Par contre, je n’ai aucun problème avec les murs lorsqu’ils sont « intérieurs ». A Lisbonne, j’ai signé au Poska une grande fresque murale dans une boutique Adidas. J’ai adoré car je suis arrivé sans idée préconçue et me suis adapté à la réalité du terrain -j’ai par exemple composé avec les taches d’humidité.

Quelles sont vos influences?

La seule que je reconnaisse vraiment est celle de Jérôme Bosch.

Vous êtes bien présent sur Twitter et Facebook, êtes-vous un illustrateur über-connecté?

C’est surtout en raison de mon poste de directeur artistique freelance pour Jess3, une agence créative américaine spécialisée dans le webdesign, le branding et la visualisation de données. Nous avons travaillé ensemble sur des projets pour Google, la Nasa, Facebook ou Nike ID.

Quelle place tient la musique dans votre vie?

Je bosse toujours avec un fond sonore, qu’il s’agisse d’informations, de rap ou de musique classique. J’adapte la programmation en fonction du travail à réaliser. Quand il faut booster le truc, rien de tel qu’un bon Mad Kap façon Da Whole Kit & Kaboodle. En ce moment, j’écoute beaucoup les Beastie Boys, un hommage posthume…

Quels sont vos projets?

Dans l’immédiat, il y a l’ouverture d’un store Sneaky Mob à Shanghai. Il s’agit d’une griffe asiatique qui m’a demandé de dessiner tout au long de 2011 une centaine de motifs qui vont se retrouver sur des créations vestimentaires. On trouvera également sur place un toy géant d’1m80. Il est aussi question d’une intervention graphique pour un jeu vidéo très populaire. Sans oublier deux expos prévues pour 2013.

SKWAK A COMPOSÉ, SPÉCIALEMENT POUR LA FNAC, UNE DIZAINE D’îUVRES EXPOSÉES DANS LE FORUM DE LA FNAC TOISON D’OR DURANT LE MOIS DE MAI 2012. WWW.SKWAK.COM

TEXTE MICHEL VERLINDEN, À LILLE

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