LES ÉLÉMENTS SAUVAGES QUI AGITENT LES HIGHLANDS ÉCOSSAISES FONT ÉCHO À LA CHEVELURE FLAMBOYANTE ET À L’ARDEUR DU COUR DE LA JEUNE MERIDA, HÉROÏNE REVÊCHE D’UN CONTE DE FÉES FAÇON PIXAR PORTÉ PAR UNE ÉPOUSTOUFLANTE ANIMATION.

TEXTE NICOLAS CLÉMENT À EDIMBOURG

Toy Story 3 en 2010, Cars 2 en 2011 et un Monsters University annoncé pour 2013: pour un peu, on en serait venu à penser que Pixar, possiblement en panne d’idées nouvelles, était désormais condamné à débiter de la suite et du prequel de ses succès passés. En ce sens, Brave ( Rebelle en VF) tombe donc à point nommé pour faire mentir les mauvaises langues prédisant déjà le déclin de l’empire américain de John Lasseter & cie, bastion imprenable du génie animé depuis 1995 et la sortie de Toy Story, premier long métrage de l’histoire d’un studio créé près de dix ans plus tôt.

Pourtant, sur papier, cette nouvelle livraison Pixar ne brille assurément pas par son originalité. Avec son intrigue aux allures de conte de fées, sa princesse, ses créatures magiques, son public cible un poil plus jeune qu’à l’accoutumée, Brave évoque en effet, bon sang mais c’est bien sûr, une production… Disney, la maison-mère du studio californien. Un rapprochement peut-être un peu rapide que le boss Lasseter balaie en tout cas d’un revers de la main:  » Le développement du projet date d’avant le rachat par Disney (2006, ndlr) . Et il s’agit d’un film Pixar à 100 %, je vous le garantis. Nous cherchions à investir l’univers des contes de fées mais à notre manière. Avec Merida, nous tenions enfin le premier personnage principal féminin de notre histoire. Mais le côté princesse qui attend son prince charmant ne nous intéressait pas. Brave est avant tout une affaire de famille, il s’intéresse à la manière dont ses membres apprennent à vivre ensemble. C’est un sujet universel, qui transcende les époques. »

Sur écran, ceci dit, certaines influences, plus ou moins conscientes, sautent aux yeux, Brave apparaissant à bien des égards, tant dans ses thématiques que dans l’esthétique qui s’y déploie, comme un condensé de films d’animation d’hier et d’aujourd’hui. De Merlin l’enchanteur (les scènes de magie) à Robin des Bois (le tournoi de tir à l’arc) en passant même par les plus beaux fleurons de l’armada… Ghibli (une vieille sorcière tout droit sortie du Voyage de Chihiro, une forêt et des créatures qui renvoient immanquablement à Princesse Mononoké). Chose que ne dément pas, pour le coup, Tia Kratter, du département artistique:  » Nous entretenons d’excellentes relations avec Hayao Miyazaki et le studio Ghibli. Nous avons déjà fait des échanges avec eux: certains d’entre nous ont été travailler là-bas et vice versa. Nous sommes très attentifs à ce qu’ils font. Ils ont cette capacité incroyable à créer des films dont on ne sait jamais où ils vont nous emmener.  »

Ajoutez encore que Brenda Chapman, qui reste créditée en tant que co-réalisatrice et co-scénariste, a été débarquée au beau milieu du tournage au profit de Mark Andrews, et l’on conviendra que ce nouveau projet ne s’annonçait pas forcément sous les auspices les plus singulièrement prometteurs qui soient…

This is Scotland

Inscrivant son action au c£ur des Highlands écossaises, Brave est pourtant une merveille de fable, compensant largement son originalité toute relative par une histoire solide aux résonances universelles, servie par une animation littéralement ébouriffante. Mark Andrews, réalisateur:  » Tous les films Pixar reposent sur un personnage particulièrement dynamique: des jouets, un vieillard, un poisson, des super-héros… S’agissant de Brave , l’enjeu essentiel tenait au fait de créer une figure féminine iconique, mais plus encore il s’agissait que Merida porte en elle cette puissance incroyable qui ressort du cadre dans lequel l’intrigue évolue. »

Et les Highlands de s’imposer ainsi comme personnage à part entière, les tourments intérieurs qui agitent la jeune Merida, princesse rebelle arrimée à son refus obstiné d’embrasser un destin tout tracé, trouvant écho dans ces impressionnantes forces de la nature dominant la campagne écossaise. Laquelle se voit transposée à l’écran dans toute sa formidable complexité.  » Nous avons essayé de capturer quelque chose de l’ordre de l’essence visuelle du paysage écossais, s’emballe Tia Kratter. Et ce qui nous a le plus inspirés, c’est son magnifique chaos, ses irrégularités, ses éléments sauvages. Comme dans les cheveux de Merida. Les ordinateurs que nous utilisons n’aiment pas le chaos, mais nous oui. Et nous nous efforçons de lui rendre justice au maximum.  »

Et, en effet, du souci du détail perceptible jusque dans la texture des vêtements à la précision apportée à la matière d’une pierre en passant par le rendu du mouvement des ours qui pimentent l’aventure, il apparaît évident qu’avec Brave, Pixar franchit aujourd’hui une nouvelle étape en matière de densité d’animation et de photoréalisme. De là à imaginer, dans un futur plus ou moins proche, un film maison jouant la carte du réalisme pur et dur, il n’y a qu’un pas…  » Ce serait envisageable, en effet, mais ce n’est pas du tout notre but, reprend Tia Kratter. Personnellement, la démarche me semble tout à fait stérile. Chez Pixar, nous nous écartons consciemment du super réalisme. Il nous importe de créer des choses auxquelles on peut croire, adhérer, mais aussi de les styliser. » Et John Lasseter d’insister:  » Nous ne cherchons pas à être réalistes, ce qui nous intéresse c’est l’authenticité.  »

Authentique, l’hommage rendu par Lasseter et les siens à Steve Jobs l’est assurément. Brave lui est dédié dans un générique final qui l’associe à ces créatures magiques bienfaisantes qui peuplent le film.  » Ces esprits aident les gens à trouver leur voie, à forger leur propre destin. Et c’est un peu ce que Steve a toujours fait« , confirme Mark Andrews.  » Pixar n’existerait tout simplement pas sans Steve Jobs, poursuit John Lasseter. Quand il nous a rachetés à Lucasfilm au milieu des années 80, nous étions avant tout une entreprise de matériel informatique. Peu à peu, il a commencé à voir le potentiel de la compagnie en matière d’animation. Et il nous a poussés à créer. Il adorait l’idée que nous accomplissions des choses tout à fait nouvelles par rapport à ce qui avait été fait jusque-là. Il était obsédé par la qualité, et la manière dont les gens percevaient notre marque. Il voulait par-dessus tout produire des choses géniales. Et il s’avère que, au bout du compte, c’était bon également pour le business.  »

Et Lasseter de conclure sur l’un des nombreux enseignements engrangés au contact de Jobs, le prophète:  » Un film Pixar, c’est avant tout une histoire et des personnages. La technologie ne fait pas un bon film, c’est la manière dont vous utilisez la technologie qui importe. » Amen.

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