PREMIER ALBUM DE LOU DOILLON, L’ANGLOPHONE PLACES EST BAIGNÉ D’UNE LUMIÈRE NOIRE ET D’ARRANGEMENTS AMÉRICAINS SIGNÉS DAHO. IMPROBABLE RENCONTRE QUI TRANSFORME LES CHANSONS DE DÉSAMOUR EN CONFESSIONS PATTISMITHIENNES. WOW.

Dans ce café du bobo quartier de La Bastille, Lou Doillon -30 ans- évoque une Patti Smith jeune et jolie, dans des fringues minimales, ses longs doigts terminés par le genre de crasse noire sous les ongles que trimballent les gosses à la sortie des plaines de jeux. Lou est sympa, bavarde et articulée. Drôle de prototype d’actrice-mannequin, « fille de » (Jane Birkin et Jacques Doillon), demi-s£ur de Charlotte Gainsbourg: alors, encore un album de célébrité qui veut chanter?

Lou Doillon: Ta réaction est classique, je n’entends que cela. Une partie des médias est là pour surpopulariser les gens et vu que ceux-ci sont pressurisés par le concept de la vente, une rébellion se met en place sur le statut le plus facile à attaquer,  » Les enfants de« … Le niveau de violence des propos tenus sur Internet à mon égard est incroyable:  » Elle devrait se pendre (…) de toute façon, t’es moche (…) faudrait te foutre du vitriol à la gueule… » Insensé.

Quelle est l’histoire de ta rencontre avec Etienne Daho?

Je viens d’une famille de muses. Ma grand-mère a été récupérée par Noel Coward. Ma mère par John Barry, Gainsbourg et puis par mon père. Charlotte, pareil avec Claude Miller, puis Yvan Attal, Air et Beck dans la musique. Vers l’âge de 18 ans, j’ai compris que j’étais plus influencée par les hommes de ma famille, que j’ai une grande gueule et que je passe ma vie à lire et à avoir une opinion. Bref, je faisais débander les pygmalions. La vingtaine arrivant, mon rapport à la musique était de tomber amoureuse des musiciens: je vivais avec la musique toute la journée dans un truc très seventies, le père de mon fils, mi-américain, mi-français, est musicien. J’ai commencé à écrire des bouts de chansons qui ont séduit une fan-base de copines, et puis ma mère en a parlé à Etienne, qui est tombé amoureux de ma musique. Initialement, j’avais refusé de faire un album puis j’ai fini par me laisser faire…

Quelle était l’option musicale de départ?

Bizarrement, j’ai considéré que dès que j’avais composé les chansons, que je les avais chantées et joué mes parties de guitare acoustique, le reste appartenait à Etienne. Bon, quand j’ai dit chez Barclay ( son label, ndlr) que Daho pourrait même en faire un album de salsa, que je me foutais complètement de la pochette, il y a eu un petit frémissement ( rires). Etienne et moi ne nous sommes pris la tête qu’à deux ou trois moments parce que je refusais toute idée de « théâtraliser » la musique, de l’arranger « cool », genre quand le bassiste fait des tonnes de notes. Tout a été bouclé à Paris avec des musiciens du cru, le disque a dû coûter 50 000 euros, y compris le mix que Philippe Zdar ( Cassius, ndlr) a fait en huit jours… Au début, c’était un peu compliqué de comprendre pourquoi les gens aiment cette voix, et puis après, il a fallu essayer de ne pas rentrer dans le gimmick. Je ne savais pas ce qui était bien, le vibrato bizarre, l’intonation rauque? J’avais peur de perdre quelque chose, que cette voix m’échappe. On m’a déconseillé de prendre des cours de chant…

Quelle a été ton éducation anglaise?

J’ai passé toutes les fêtes de ma vie à Londres et surtout au Pays de Galles, j’y étais la « french cousin ». Donc, par instinct de survie, je me suis dit que j’allais apprendre l’anglais et puis j’allais voir tous les groupes punks: les Anglais sont de grands malades, j’étais entouré de potes prenant du MDMA plus de l’ecsta, plus de la coke plus de l’héro plus du crack (…) et là, j’étais la petite Française qui leur demandait s’ils avaient vraiment envie de se jeter du 8e étage…

Fort instinct de survie la Doillon?

Oui, on me prête beaucoup de tendances très rock’n’roll et tarées, ce qui veut donc dire sans relation à la vie, alors qu’à 15 ans, j’élevais déjà tous les enfants de ma famille et à 19 ans, j’avais mon fils. Par contre, je suis très attirée par tous les gens qui n’ont aucun instinct de survie tellement j’en ai! Je suis une sorte d’infirmière pour rockers et punks, j’ai toujours été entourée de frappadingues parce que j’avais cette idée crétine de pouvoir les sauver. Ma maison est connue par les musiciens de Paris qui sortent du concert autour de minuit, je fais des tourtes et les nourris jusqu’à 4 ou 5 heures du matin, puis quelqu’un gerbe dans les chiottes et je nettoie ( rires). J’ai des gens bizarres comme Tricky qui débarquent une fois par mois autour de minuit…

Un mot sur une influence très audible, Patti Smith?

J’aime Patti plus que tout, c’est la seule femme qui s’en fout, qui arrive même avec une moustache ( rires) et c’est tellement fort de dire qu’il ne faut pas systématiquement passer par la séduction, que cela fait du bien. Daho m’a pris les deux mains lors de l’enregistrement et m’a dit:  » Ça y est, tu n’as plus jamais besoin de séduire, la musique dépasse cela. » J’aimerais être la fille spirituelle de Patti et dire aux filles qu’on n’est pas sur la pente descendante à partir de 30 ans: on peut aller plus loin!

SUR LA RELATION DE LOU DOILLON AUX HOMMES, LIRE AUSSI LE VIF WEEKEND DU 14/09.

RENCONTRE PHILIPPE CORNET

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