Enfanter Dieu

On connaît Massimo Cacciari, l’homme public. Le flamboyant ex-maire de Venise, le séducteur suave, l’intellectuel public aux positions parfois énigmatiques. Mais connaît-on bien le philosophe? Malgré les nombreuses traductions (en français, c’est Christian Bourgois, puis les éditions de l’Éclat, qui se sont faits ses champions), son oeuvre, abondante et dense, centrée sur la force d’un verbe oscillant entre la méditation, la glose et la fusée baudelairienne, reste trop peu lue. Ses thèmes, pourtant, sont universels: l’origine et la fin, la loi et l’Europe, l’apocalypse juive et la révélation chrétienne. Surtout, c’est une oeuvre qui n’hésite pas à aller chercher dans les matériaux les plus surprenants de quoi se nourrir. Dans Enfanter Dieu, merveilleux opuscule consacré à l’examen de ce que la peinture ancienne « dit » de la figure de Marie, ce sont ainsi les icônes et les tableaux, de van der Goes à Botticelli, qui sont mis à l’honneur, plutôt que les exégèses. Cacciari y dresse le portrait d’une Marie d’ombre qui, comme dans le dessin, apparaît contre l’aveuglement brutal de la lumière. Cette ombre, toutefois, loin de signaler une relégation ou un oubli, marque une possibilité trop souvent ignorée: celle du symbole reconstituant, dans le « oui » adressé à l’archange Gabriel lui annonçant qu’elle sera la mère de Dieu, le sens de la révélation chrétienne. Celle de la passion partagée.

De Massimo Cacciari, éditions de L’Éclat, traduit de l’italien par Jacqueline Malherbe-Galy et Jean-Luc Nardone, 120 pages.

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