LE 27 MAI SE DÉROULERA LA PREMIÈRE VENTE AUX ENCHÈRESD’ART URBAIN EN BELGIQUE. QUE FAUT-IL ACHETER? FOCUS A POSÉ LA QUESTION AUX EXPERTS DE LA MAISON DE VENTES CORNETTE DE SAINT CYR.

Né dans la rue, l’urgence et le froid, l’art urbain est en passe de goûter au confort moelleux des salons bourgeois. En cause, un succès croissant et, surtout, une cote qui n’en finit pas de grimper. Preuve de ce nouveau statut, la maison de ventes Cornette de Saint Cyr a créé une cellule « Street Art » au sein de son département « Art Contemporain ». Emmenée par deux spécialistes, David Maquis-Art (fondateur du site Maquis Art, la plus grande base de données sur l’art urbain) et Maurice Grinbaum (consultant et agent qui a compté JR parmi ses poulains), ladite cellule a mis sur pied en 2009, à La Cigale de Paris, la première vente entièrement dédiée au genre. Un fameux coup de poker -à l’époque, l’art urbain ne bénéficie que d’une audience limitée- qui a largement porté ses fruits. « Pendant 35 ans, l’art urbain a évolué loin du marché de l’art et des collectionneurs, tout était à faire« , explique David Maquis-Art.

Quatre ans plus tard, le duo d’experts débarque à Bruxelles. But de la manoeuvre? Séduire le très prisé collectionneur belge, réputé pour son exigence mais aussi pour ses gros moyens. Pour ce faire, les deux consultants font valoir du lourd: un catalogue de 161 oeuvres pointues, des pièces « muséables » qui témoignent de l’histoire du mouvement -blackbooks, dessins préparatoires…-, ainsi qu’un casting exemplaire axé « pionniers » -Ernest Pignon Ernest, Seen, Basquiat, Futura 2000… « Depuis notre première expérience, le marché s’est structuré« , commente Maurice Grinbaum. De fait, les oeuvres ne proviennent plus en direct des artistes eux-mêmes -comme c’était le cas auparavant- mais de collections privées, principalement celles de Roméo Sarfati et d’Olivier Dahan, ce dernier étant considéré comme le plus grand collectionneur de graffitis au monde avec plus de 800 pièces.

D’où provient ce nouvel engouement? Maurice Grinbaum pointe un changement de paradigme dans le monde de l’art. « Aujourd’hui, n’en déplaise à certains, ce n’est plus le critique qui désigne le beau et le laid… Le collectionneur est devenu le prescripteur. Il n’y a qu’à voir ce qui se passe avec des gens comme Bernard Arnault ou François Pinault en matière d’art contemporain. Ce qu’ils désignent prend de la valeur, jusqu’à acquérir un statut de produit financier. Dans la configuration actuelle, l’art urbain fait office d’écriture nouvelle qui attire l’oeil des collectionneurs. Il s’agit d’un courant d’air frais qui change de l’austérité de l’art conceptuel. Cette nouveauté est essentielle, il ne faut pas y voir qu’un effet de mode. Il s’agit du courant artistique le plus significatif depuis la Figuration Libre. Ce qui est également crucial, c’est qu’il s’agit d’un mouvement qui a surgi partout dans le monde. Ce caractère international est à la fois nouveau et unique. »

Cette récupération marchande discrédite-t-elle l’art urbain? David Maquis-Art propose une piste de réflexion originale. « Le devenir-marchandise du graffiti et du street art est une conséquence logique de l’essence de ce mouvement. A la base, l’art urbain n’est qu’une compétition d’ego entre adolescents, une concurrence visuelle et géographique. C’est à celui qui fera le plus parler de lui, que l’on verra le plus, qui chopera la plus grosse amende… Aujourd’hui, cette émulation se poursuit sur le marché. » Un avis partagé par Maurice Grinbaum, qui souligne le fait que « le ticket d’entrée de l’art urbain contemporain est nettement moins élevé -la première estimation débute à 400 euros- que celui de l’art contemporain tout court. Avec des moyens relativement « modestes », il est possible de commencer une collection promise à un bel avenir… »

ART CONTEMPORAIN URBAIN, CORNETTE DE SAINT CYR, 89, CHAUSSÉE DE CHARLEROI, À 1060 BRUXELLES. LE 27/05 À 19 H. WWW.CORNETTE-SAINTCYR.BE

TEXTE MICHEL VERLINDEN

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