Éloge de la sidération

© courtesy olivier pestiaux

Aboutissement d’un long travail de maturation de plus d’un an, la nouvelle exposition d’Olivier Pestiaux réconcilie concept et matière, oeil et esprit.

Située au sous-sol de la librairie Peinture Fraîche, et donc à ce titre encore accessible malgré la fermeture des musées et des galeries, La nature aime à se voiler clôt un cycle. C’est que cet endroit culte, imaginé à l’attention des amateurs de beaux-livres par Philippe Demoulin, entame une mue. Ce changement de peau met un terme aux humbles monstrations et autres accrochages de poche. Dommage, l’émotion était souvent au rendez-vous. Artiste arrivé à la création sur le tard -il avait déjà une quarantaine d’années-, Olivier Pestiaux (51 ans) savoure l’honneur qu’il a d’être le dernier à exhiber son travail dans cet espace confidentiel avant le tomber de rideau. Il faut dire que l’homme a la « gratitude » -un mot qu’il a utilisé pour intituler sa première exposition- rivée au corps et probablement au coeur. Chez lui, tout se passe comme si cette reconnaissance était la condition sine qua non du voir, du regarder juste. La première fois qu’on a rencontré le plasticien, c’était au château de Thozée, demeure située en bordure de la commune de Mettet sur laquelle plane encore l’esprit de Félicien Rops qui l’a longtemps fréquentée.  » J’ai l’impression de vivre au Canada, comme seul au monde« , nous avait confié Pestiaux, qui en avait profité pour s’employer à transposer sur papier les modalités d’apparition et de présence de la nature. Sa méthode de travail? Partir de l’herbier, non pas pour en exalter la dimension de taxonomie mais pour mesurer la richesse formelle à l’oeuvre dans le vivant.

Généalogie double

Ce qui frappe lorsque l’on découvre La nature aime à se voiler, c’est la cohérence et le caractère mature du travail présenté. Né à Thozée, celui-ci a connu une « bifurcation » -un autre terme crucial dans le lexique plastique de l’intéressé- lors d’une résidence menée à L’Escaut Architecture, autre lieu d’excellence bruxellois préservé de la comédie humaine. Lors de cette dernière, Pestiaux s’est offert une nouvelle alliance entre microcosme et macrocosme à la faveur de visites au département d’astrophysique de l’Observatoire d’Uccle. Plongeant les yeux dans les voies lactées, qui sont peut-être de plus primordiales prairies parsemées de fleurs, Olivier Pestiaux a remonté le temps -on rappellera que regarder les étoiles, c’est regarder dans notre passé. Aligné au long de trois pièces en enfilade, les oeuvres proposées multiplient les allers-retours entre notre être-là et ce qui l’a rendu possible. On passe d’une nappe dominicale brodée portant la phrase d’Henri Michaux  » Le Microséisme d’une demi-seconde ratée dans un après-midi difficile« , un textile entaché d’anecdotes familiales, à une représentation d’Eta Carinae, système stellaire situé à 7 500 années-lumière renvoyant à la poussière d’étoiles que nous sommes. Il y a aussi ce très beau diptyque, Le Voyage d’Orphée, deux toiles imposantes qui réussissent un étonnant oxymore: peindre le ciel avec des couleurs terre. En quittant les lieux, on ne peut s’empêcher de s’arrêter longuement sur Médusé, visage emprunté au Caravage faisant écho à ce qui se déroule dans l’intériorité d’un regardeur en qui s’est opéré, pour un temps, la réconciliation entre l’idée et la matière. À son tour de faire preuve de gratitude.

La nature aime à se voiler

Olivier Pestiaux, Peinture Fraîche, 10 rue du Tabellion, à 1050 Bruxelles. Jusqu’au 28/11.

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