Eldorado sans frontières
Le Hollandais Tobias Schalken ne fait pas de distinction entre bD, peinture, sculpture et installations. une quête plus importante que ses destinations.
L’illustration de couverture (un chasseur, seul dans une salle de musée, en pleine contemplation d’un tableau paysagiste) et le soin apporté à ce beau livre (plus de 230 pages grand format sous une couverture cartonnée et toilée) annoncent d’emblée, plus encore que son éditeur Frémok, que ce livre-là aura autant à voir avec l’art contemporain qu’avec la bande dessinée. L’ouvrir confirme tout de suite l’impression: entre des récits courts de bande dessinée qui n’ont a priori rien à voir entre eux -un chasseur qui erre dans un environnement post- apocalyptique, une famille recomposée coincée des heures durant dans une voiture, une jeune fille qui promène son chien, un vieux cow-boy suivi de sa mule-, Eldorado contient aussi, à lire autant qu’à voir, des peintures grand format, des illustrations, des photos, des reproductions de sculptures, d’architectures et d’installations, elles aussi réalisées par l’auteur et artiste Tobias Schalken, effectivement bien connu dans les sphères de l’art contemporain. Ce magnifique Eldorado ne tient pourtant pas de la monographie: il propose un véritable récit et voyage en images dans l’imaginaire de l’artiste, très cohérent malgré ses pratiques sans frontières.
« L’essentiel est dans la recherche »
Huile sur panneau, collage numérique, fusain, sculptures en bois, en silicone ou polymère, BD à l’encre, à la craie, au graphite, à l’acrylique ou à la gouache, photographies… Tobias Schalken ne se refuse aucune technique, y compris de narration, pour réaliser ce qu’il appelle lui-même » un recueil de nouvelles dont les thèmes se développent d’eux-mêmes à travers ces fragments« , comme il nous l’a expliqué au dernier festival d’Angoulême. » Ce livre a d’abord existé en 2018 chez l’éditeur néerlandais Oogachtend, dans une version qui intégrait moins d’oeuvres d’art, qui allait plus vers le roman graphique. Thierry Van Hasselt, au Frémok, trouvait au contraire que ma première ébauche, qui séparait beaucoup moins BD et arts plastiques, correspondait bien à leur ligne éditoriale. On a donc sélectionné et intégré plus d’oeuvres: elles établissent des liens et des associations entre les récits, et font alors émerger des thèmes auxquels je ne réfléchis pas sur le moment même. Je pense à une situation, à des personnages, à des images. Le sens, s’il y en a, ne vient qu’ensuite. » Un sens que le lecteur sera donc chargé de déchiffrer. Il est question de notre rapport au monde, de parcours, et de personnages » en quête d’un lieu où tout serait parfait et résolu, même si on sait qu’un tel lieu n’existe pas. L’essentiel est dans la recherche ».
Eldorado
de Tobias Tycho Schalken, éditions FRMK, 232 pages.
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