Ejo, suivi de Lézardes et autres nouvelles

En kinyarwanda (la langue maternelle de l’autrice, ayant fui le massacre des Tutsis à l’adolescence), Ejo signifie à la fois hier et demain. C’est dans cette ambivalence temporelle, entre la relative insouciance d’avant et les répercussions intimes d’après qu’elle inscrit son premier recueil, présent dans un volume pluriel. On y croise une dizaine de femmes dans la tourmente, de Febronie dont le fils lui tourne le dos pour rejoindre les Interahamwe (miliciens hutus) à Agnès, professeur d’histoire sopecya (survivante n’ayant pas quitté le pays) ne s’exprimant plus qu’en maximes cryptiques, où le nom des morts surgit comme ponctuation. Toutes sont marquées par leur propre expérience d’un pays où victimes et bourreaux se côtoyaient quotidiennement, par la difficulté de se projeter dans des terres d’exil où le racisme et l’incompréhension face à leur vécu chargé règnent. Dans Lézardes, la nouvelliste se positionne à hauteur d’enfants, à la fois ceux qui ont absorbé (consciemment ou non) les faits que ceux, devenus grands, qui devront s’interroger sur la transmission possible, sur un maillage à retisser. Sans chercher à rien atténuer mais en prenant appui sur le pouvoir cautérisant de la littérature, Beata Umubyeyi Mairesse plonge dans la  » topographie des non-dits » avec une grande humanité.

De Beata Umubyeyi Mairesse, éditions Autrement, 416 pages.

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