Effet miroirs

Délaissant ses mélancolies folk-rock, l’Américaine Angel Olsen publie un album à la dramaturgie inouïe, sublimée par des cordes renversantes.

Il n’a fallu que trois albums à Angel Olsen pour devenir l’une des musiciennes les plus en vue de ce qu’on appellera, faute de mieux, la scène indie américaine. La jeune femme commencera par se lover dans des chansons folk crépusculaires, avant d’élargir toujours un peu plus le spectre. Mais sans jamais s’éloigner d’une certaine noirceur. Ex-ado gothique, Angel Olsen a pris en effet le pli de trousser des mélancolies tourbeuses, portées par sa voix grave et profonde. Née en 1987, du côté de St-Louis, dans le Missouri, elle a ainsi pu souvent donner l’impression d’avoir été davantage influencée par le crooning sépulcral d’un Roy Orbison ou par le blues des années 30 que par ses contemporains.

Même parsemée d’un humour à froid vicelard, la musique d’Angel Olsen ne pouvait s’empêcher de sonner comme une confession intime, creusée par le spleen et un vague à l’âme lancinant. Avec son nouvel album All Mirrors, l’Américaine bouscule cependant ce qui aurait pu s’apparenter à une prison dorée. Il y a quelques mois, elle avait déjà troublé son image torturée en apparaissant sur l’album de Mark Ronson, chantant sur le disco-pop True Blue. À sa manière, All Mirrors confirme cette volonté de ne pas se laisser enfermer dans un carcan folk-rock trop rigide.

Effet miroirs

Montagnes russes

Au départ, All Mirrors visait pourtant la simplicité. Une fin de tournée compliquée et une situation amoureuse visiblement chaotique avaient poussé Angel Olsen à revenir à l’essentiel: une poignée de chansons acoustiques qui devaient, expliquait-elle récemment au New York Times, ressembler à son Nebraska, rumination « springsteenienne » emblématique, datée de 1982. Bizarrement, c’est en couchant ses morceaux de la manière la plus brute possible qu’Olsen a commencé à leur imaginer un autre sort. Une vie en cinémascope, bourrée de grands effets, déclenchant de puissantes montagnes russes émotionnelles.

Dès l’entame, le single Lark donne le ton.  » If only we could start again, pretending we don’t know each other », glisse Angel Olsen, qui embarque en effet pour de nouveaux territoires: la batterie introduit la menace, mais ce sont bien les violons qui amènent la dramaturgie à des sommets sentimentaux inouïs. La chanteuse ne rappelle plus seulement Karen Dalton, mais se rapproche désormais également de Scott Walker, Gainsbourg ou du Velvet Underground. Ne lésinant pas non plus sur les nappes de synthé, Olsen se fait flamboyante, osant une certaine grandiloquence. Malgré le nouveau costume, le fond, lui, n’a pas changé. Mais il se retrouve sublimé par des arrangements de cordes somptueux, qui, à plusieurs reprises, vous retournent le coeur. Il faut écouter par exemple la longue plainte automnale de Tonight(« I like the air that I breathe/I like the thoughts that I think/I like the life that I lead/without you… ») ou l’incroyable conclusion apportée par Chance: investissant chaque note, donnant à sa voix des inflexions bouleversantes, Olsen en fait des tonnes, mais sans jamais tomber dans le pathos. « I just wanna see some beauty », implore-t-elle. À vos mouchoirs…

Angel Olsen

« All Mirrors »

Distribué par Secretly. En concert le 07/02 au De Roma à Anvers.

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