ENTRE FRESQUE HISTORIQUE ET MÉLODRAME DOMESTIQUE, LE DERNIER FILM DE HAYAO MIYAZAKI EST UNE FABLE POÉTIQUE PORTÉE PAR UN SOUFFLE MÉLANCOLIQUE PUISSANT.

Le Vent se lève

DE HAYAO MIYAZAKI. 2 H 06. SORTIE: 05/03.

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Coïncidant avec la présentation de The Wind Rises à la Mostra de Venise, l’annonce de la retraite de Hayao Miyazaki y a fait l’effet d’un tsunami. De Nausicaä de la vallée du vent à Princesse Mononoké; du Voyage de Chihiro à Ponyo sur la falaise, le maître de l’animation japonaise (lire son portrait dans Focus du 21 février) a laissé une oeuvre sans équivalent, il est vrai, chacun de ses films se révélant pur enivrement des sens et appelant, partant, les superlatifs. L’éblouissement est encore au rendez-vous du Vent se lève, le long métrage qui vient ponctuer son parcours de réalisateur en mode particulièrement sensible, tant cette oeuvre testamentaire à la touche résolument mélancolique a, de toute évidence, une résonance profondément personnelle.

Miyazaki y adapte un roman de Tatsuo Hori, inscrivant par ailleurs son propos dans le prolongement d’un vers emprunté au Cimetière marin, de Paul Valéry: « Le vent se lève, il faut tenter de vivre. » Le film, une oeuvre de fiction ancrée dans la réalité, balaie, en effet, l’Histoire tumultueuse du Japon contemporain à la suite de Jiro Horikoshi, enfant ayant des rêves d’aéronefs plein la tête. Et qui, à défaut de pouvoir devenir lui-même pilote, va entreprendre de dessiner des aéroplanes, devenant l’un des ingénieurs les plus fameux de son temps. Pour intégrer, à l’horizon de la Seconde Guerre mondiale, les usines Mitsubishi -il sera l’un des pères du fameux chasseur Zero, utilisé notamment lors de l’attaque de Pearl Harbor.

Mélodrame de haut vol

C’est donc une fresque de grande ampleur que livre ici Miyazaki, dans un film courant du séisme de 1923 à l’entrée en guerre du Japon, et s’achevant dans la douleur et le fracas des bombes -comme en écho à ce vent mauvais qui aura soufflé sur l’Histoire du XXe siècle, mais qui s’accompagne ici d’un autre, bienveillant celui-là, qui mettra la jolie Nahoko sur la route de Jiro. Le Vent se lève trouve dans leur rencontre et ses suites la matière d’une grande histoire d’amour, le récit conciliant, dans un élan romanesque enivrant, dimensions historique et romantique, épique et intime. Soit un mélodrame classique de haut vol, assorti, dans le chef du cinéaste, d’une réflexion sur le temps qui passe. Il est, à cet égard, tentant de voir en Jiro une projection de Miyazaki lui-même, questionnant sa condition d’artiste, et reflétant son sentiment à l’égard de l’existence, en plus de retrouver ici diverses de ses thématiques de prédilection. Inscrit dans de souverains paysages japonais, porté par une animation rayonnante de grâce et poésie, c’est là, à défaut de surprendre encore, un film-somme se déployant tel une onde diffuse pour laisser une impression subtile. Comme écrit sur du vent, en effet…

JEAN-FRANÇOIS PLUIJGERS

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