Drones organiques

La société d’après-virus prendra-t-elle un autre tempo? Windy & Carl, duo dream pop ambient du Michigan, en livre déjà une possible BO.

Tout est reconsidéré, tout semble désormais reconsidérable. Un pangolin chinois ayant flirté avec une chauve-souris locale, dont des cuisiniers de Wuhan auraient fait une soupe létale. Et crac, boum, hue, c’est l’emballée: désastre aux milliers de morts, séisme social endettant la plupart des pays pour quelques générations supplémentaires de pandémie économique. Scénario aux incertaines finalités qui promet encore quelques semaines/mois de confinement où yoga, méditation, solutions droguées ou médicamenteuses légales, gnôle, sexe effréné, bains de soleil, tours du pâté de maisons à vélo, promenades du chien ne colmateront pas forcément l’énorme brèche ouverte sur l’ennui. On a besoin de cataplasmes musicaux et Windy & Carl n’est pas mal dans le genre baume du tigre (non contaminé) pour soulagement provisoire des blessures de l’âme. Non pas que le duo issu d’une ville proche de Detroit par la bassiste-chanteuse Windy Weber et son guitariste de mari Carl Hultgren vienne de sortir de l’oeuf. Non, depuis 1993 avec l’un ou l’autre break, le couple a produit une douzaine d’albums caractérisés par des velléités de dream pop, ambient et autres stratosphères rêveuses. L’origine pourrait en être d’échapper à leur environnement premier de Dearborn, Michigan -lieu du QG mondial de Ford-, et de contrer une Histoire industrielle périclitante par des musiques douces, enveloppantes, naturopathes. L’équivalent sonique d’un massage prolongé, avec ou sans incidences charnelles.

Drones organiques
© DR

Guitares dopées

Depuis plus d’un quart de siècle, Windy & Carl labourent donc leurs drones intimes. Pas le machin qui vole mais la continuité bruitiste, ce bourdonnement nourri de nuances multiples formant au final ce qui -dans le meilleur des cas- devient hypnose musicale. Contrairement aux célèbres prédécesseurs d’ambient – grosso modo la bande à Eno et l’école nord-américaine-, les deux musiciens ne basent pas leur travail sur l’univers des claviers électroniques, mais essentiellement sur les guitares. Électriques, dopées aux trucages digitaux contemporains répertoriés, delay, reverb, E-bow. Allegiance and Conviction s’ouvre dans un schéma qui gronde: un son de vent ou peut-être de bruit blanc et d’accords de guitare qui construisent l’échafaudage. Particularité due au titre en question, The Stranger, il est l’un des rares moments du disque où une voix se marie à la musique. Qui, au fil des six morceaux de longueur moyenne, développent différentes humeurs: le shoegazing noisy ( Alone), le brouillard fraternel ( Will I See the Dawn) et même des aspirations mélodiques qui, si l’imagination se détend, évoquent un vieux slow espagnol réinterprété par Robert Fripp ( Crossing Over). Lien entre ces différentes humeurs? La façon d’empiler les couches, où le terme organique devient prescription évidente. Cela tremble, cela entoure, cela accompagne. En tout cas, jusqu’aux jours meilleurs.

Windy & Carl

« Allegiance and Conviction »

Distribué par Kranky.

7

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