On se pose parfois de mauvaises questions. Plutôt que de s’interroger sur le pourquoi des groupes québécois chantant en français, il vaut peut-être mieux se demander pourquoi les artistes de chez nous (du moins la plupart) chantent en anglais. Pourquoi les rockeurs francophones de Belgique ne s’expriment pas, ou trop peu, dans la langue des Berurier Noir, de Dionysos et des Wampas malgré la proximité des marchés français et suisse, alors que les Québécois, encerclés, font chanter le verbe.

Il suffit déjà de jeter un petit coup d’£il dans sa discothèque de pop rockeur pour jauger l’influence du monde anglo-saxon sur notre culture, et plus particulièrement notre musique. Beaucoup sont convaincus que l’anglais, même mal prononcé, sonne mieux que le français. Qu’il est plus rock.  » Au-delà de la musicalité, il y a peut-être une question de pudeur, de timidité« , avance Alex Stevens, programmateur du festival de Dour. Les groupes se cacheraient derrière des paroles qui échappent aux masses? Possible. Et peut-être bien aussi que certains cherchent juste à masquer le vide intersidéral de leurs textes.

L’idée de l’anglais synonyme de carrière internationale a en tout cas été battue en brèche par l’histoire de la pop et du rock belge. A quelques exceptions près, les francophones du pays ne sont pas parvenus à s’imposer à l’étranger ailleurs qu’en France.

 » Je n’ai plus peur de programmer du français. Le Québec m’a ouvert l’esprit, rigole Alex Stevens. Il a en tout cas influencé ma façon de travailler. Au Canada, les francophones doivent vraiment tout mettre en £uvre pour défendre leur culture qui, sinon, est écrasée par l’anglo-saxon. Chez nous, par contre, les membres de Sinus Georges qui proposent généralement un répertoire mi-français mi-anglais n’ont chanté aucun morceau dans leur langue maternelle lors de la finale du dernier Concours Circuit. Quelqu’un leur aurait conseillé de ne pas tout mélanger. C’est un peu regrettable. »

Psychologie et quotas

 » Le Québécois défend sa langue en soutenant ses artistes francophones. Nous sommes dans un contexte fondamentalement différent. La Belgique est un lieu de passage, de melting pot. On s’est inscrit dans un autre processus musical. Ne serait-ce qu’en matière de quotas radio« , remarque Patrick Printz, directeur de Wallonie-Bruxelles Musique, agence créée afin d’aider nos artistes, producteurs et éditeurs à s’exporter.

On a vu apparaître, ces dernières années, des projets très intéressants comme ceux de Mièle, de Carl, et du rappeur Veence Hanao, mais l’absence de menace sur une langue ne mène pas bec et ongles à sa défense. Il existe bien des concours comme la Biennale de la chanson ou Musique à la française. Mais là où Musicaction soutient la production et la commercialisation des projets canadiens en français, les pouvoirs publics, en Belgique, ont toujours tendance à défendre les artistes de la Communauté française sans préoccupations linguistiques.

Soit dit en passant, le « french » n’est pas plus gage de succès que l’anglais.  » Mis à part un Stromae, je ne vois pas des tonnes de grande réussite récente outre-Quiévrain d’artistes belges chantant en français« , avance Patrick Printz. Personne ou presque pour montrer l’exemple, faire miroiter une success story. Puis peu d’endroits pour s’exprimer quand on sort du réseau culturel classique.  » On peut encore réfléchir au rapport entre le français et la modernité. L’adaptation de notre langue à son environnement musical. » Comme disait Scifo,  » je ne sais pas si c’est psychologique mais c’est dans la tête. »

J.B.

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