Dialectique de la pop

Quand elle ne se plante pas devant un micro, guitare en bandoulière, pour fredonner un petit air mi-nostalgique, mi-mécanique, Agnès Gayraud, chanteuse du groupe La Féline et professeur de théorie de l’art à la Villa Arson, à Nice, pense. Très fort. Dialectique de la pop, son premier livre, en est le résultat: la toute première tentative de prendre au sérieux, du point de vue de la philosophie, la pop en tant qu’art en soi. Pendant trop longtemps, la pensée a oscillé entre le mépris plus ou moins ouvert (ainsi celui de Theodor Adorno, auquel Agnès Gayraud a consacré sa thèse de doctorat) et l’adoration niaise à son égard. D’un côté, elle était considérée comme l’expression vulgaire de la musique prostituée à l’industrie et à la publicité -comme l’incarnation par excellence du spectacle. De l’autre, elle figurait une sorte d’échappatoire fantasmée en direction de l’adolescence éternellement recommencée, et avec elle ses amours innocentes et ses petits pulls marine. À présent, plus aucune de ces deux attitudes ne sera possible, tout simplement parce que ce qui forme l’essence de la pop n’est rien d’autre qu’une manière de nouer les deux. Du moins, tel est l’argument central que défend Agnès Gayraud: la pop est dialectique. C’est-à-dire qu’elle n’existe que pour autant qu’elle accepte la traversée de ses propres coulisses et de ses propres ombres -en langage philosophique: de sa propre négativité. Le propos est culotté, documenté, virtuose, brillant. Il sera notre nouveau benchmark.

d’Agnès Gayraud, éditions La Découverte, 524 pages.

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