Michel Verlinden
Michel Verlinden Journaliste

JUSQUE FIN MAI, LA VIDÉASTE ET PLASTICIENNE LAURE PROUVOST S’EMPARE D’EXTRA CITY, LA PLATEFORME D’ART CONTEMPORAIN ANVERSOISE. UN PROJET SURPRENANT ET ÉVOLUTIF.

Wantee – Grand Ma’s Dreams

LAURE PROUVOST, EXTRA CITY KUNSTHAL, 25, EIKELSTRAAT, À 2600 ANVERS (BERCHEM). JUSQU’AU 25/05.

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Un lieu d’exposition, territoire par excellence, n’est bien entendu jamais neutre. Dans le cas présent, il s’avère même tout particulièrement signifiant. Imaginé en 2004 par le critique Wim Peeters, Extra City se veut une plateforme en prise directe sur l’art contemporain. Depuis septembre 2013, le projet s’est installé dans le cadre impressionnant d’une ancienne laverie industrielle. Celle-ci fait place à plusieurs studios, à un café où se déroulent des débats, ainsi qu’à un cinéma. C’est précisément ce dernier espace qui accueille la Française Laure Prouvost (1978), artiste récompensée par le Turner Prize 2013 -elle est installée en Angleterre depuis une quinzaine d’années- pour son oeuvre Wantee. « Surprenantes », « imprévisibles »: tels sont les qualificatifs le plus souvent accolés aux pièces signées par cette Lilloise. Lors d’une exposition à la Whitechapel Gallery de Londres, la jeune femme avait laissé entrevoir sa déroutante grammaire formelle. Ainsi de cet étrange pain aux contours bosselés, faisant plutôt pitié à voir, qui était exposé avec une légende énigmatique: »Avant d’être enfourné, ce pain a été béni dix fois par Sainte-Joséphine alors qu’elle portait des talons hauts. » Idem pour cette Nike solitaire, estampillée « Cette chaussure trouvée a été transportée par une centaine de papillons, d’Italie jusqu’au centre de Londres, le jour de la Saint-Buitono« . Autant de labyrinthes pour l’esprit qui ne sont pas sans rappeler les associations libres des surréalistes. Plus engageante était l’installation Swallow, diffusée dans un dispositif circulaire composé de collages, de peintures, de dessins et de vidéos. Basées sur l’empathie, les images de Swallow montrent des scènes bucoliques -oiseau, cascade, corps nu, framboises, poissons dans l’onde claire…-, entrecoupées de gros plans d’une bouche en pleine respiration. L’effet « neurones miroirs » fonctionne à merveille: impossible pour le spectateur de ne pas éprouver émotions et sensations face à ce tableau qui a pour ambition de restituer « la sensation, le goût du soleil« .

Pink room

L’exposition qui se déroule à Anvers s’enrichit de la résidence que Laure Prouvost mène parallèlement à AIR Antwerpen, adresse implantée dans le quartier het Eilandje. Si à l’heure d’écrire ces lignes, la plasticienne y donne à voir deux projets pour lesquels son travail a été reconnu –Wantee et Grand Ma’s Dreams-, il est prévu qu’elle multiplie les interventions jusqu’à la fin du mois de mai -ce dont le site Internet d’Extra City rendra compte au fur et à mesure. Grand Ma’s Dreams prend place dans une pink room et apparaît comme un contrepoint féminin à Wantee qui évoque, de son côté, la figure du grand-père de Laure Prouvost. Le dispositif est à comprendre comme une tentative de préserver la mémoire et l’intégrité du passé dans un flux sans cesse mouvant. Soit une mission impossible en soi, compliquée par la réception du public qui varie en fonction des pays d’exposition. Il en va de même pour Wantee, vidéo à travers laquelle le visiteur part à la recherche de la figure de son grand-père, artiste conceptuel et ami intime de Kurt Schwitters, peintre et sculpteur anarchiste allemand. Le tout pour une plongée, au fil d’objets, de décors et d’images, dans un environnement puissamment atmosphérique.

WWW.EXTRACITYKUNSTHAL.ORG

MICHEL VERLINDEN

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