Destination abandon

Metro Exodus sort de son trou après 20 ans sous terre pour traverser une Russie postapocalyptique imaginée par Dmitry Glukhovsky.

Les fictions littéraires n’influencent que rarement le gaming. Tom Clancy, Agatha Christie ou Dan Brown n’y ont pas survécu. Au-delà des 30 adaptations de l’ Alice au pays des merveilles de Lewis Carroll, seuls les pays de l’Est fêtent des mariages réussis entre plumes et joysticks. Le Pique-nique au bord du chemin de Boris et Arcadi Strougatski s’adaptait ainsi sous le prisme de la catastrophe de Tchernobyl, en 2007, sur Stalker. Pape de la littérature médiévale fantastique polonaise, Andrzej Sapkowski confiait, il y a quatre ans, son « sorceleur » Geralt de Riv à l’extraordinaire monde ouvert de Witcher 3: Wild Hunt. Voyageant à toute vapeur dans une Russie nucléaire et fanatique, Metro Exodus complète aujourd’hui ce cercle slave.

Écoulé à plus de 400 000 exemplaires en Russie, Metro 2033 de Dmitry Glukhovsky creusait le destin de survivants moscovites retranchés dans des stations d’une capitale ravagée par la bombe atomique. Le roman fertilisait une première adaptation gaming éponyme et Metro: Last Light, sa suite. Metro Exodus, le troisième volet de ce jeu de tir vu à la première personne sort de cette fascinante société souterraine. Celle-là même qui avait reproduit le triangle communiste, fasciste et capitaliste en vase clos, six pieds sous terre.

Un jeu pas comme les autres

Enfilant le masque à gaz d’Artyom, le gamer y dérobe une locomotive pour traverser la Russie, d’hiver en été. Le héros messianique du précédent jeu découvre qu’une vie rugit au-delà du trou dans lequel il se planquait depuis 20 ans. Embarquant des frères d’armes, son épouse et son major de beau-père, la motrice fumante sert de prétexte à un road trip lourd de sens. D’un village vénérant un poisson-chat mutant à un bunker géant habité de cannibales, Dmitry Glukhovsky pose la question du fanatisme religieux et des meurtres en temps de guerre. Son odyssée traverse une Russie qui ne sait pas si elle a été envahie par les États-Unis. Un point de vue de l’Est, rare et bienvenu pour un FPS mainstream.

Veiné de dialogues passionnants, Metro Exodus cultive un certain manichéisme, notamment quand il défend la veuve et l’orphelin. Ses ruines industrielles criblées de bugs graphiques demeurent attachantes. D’autant qu’il s’ouvre comme un monde semi-ouvert dont les paysages industriels en ruine proposent de longues balades à pied évoquant l’écosystème de Fallout 3.

Tacheté de camps et bases adverses à mitrailler ou à infiltrer discrètement (merci Dishonored), le jeu ukrainien cultive des particularités malignes. La visée approximative (et voulue) de certaines de ses pétoires stresse face un mutant dont les déplacements lents sont difficiles à anticiper. L’absence de carte dans des cathédrales de fer rouillées force à la réflexion. Des buissons ou des toiles d’araignée (à brûler avec son briquet) ralentissent la marche. À l’image de l’IA de ses adversaires, Metro Exodus est loin d’être parfait. Il exhale toutefois un parfum unique venu de l’Est. Tonique et irradié. Unique.

Édité par Deep Silver et développé par 4A Games, âge: 16+, disponible sur PlayStation 4 et Xbox One.

8

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