LA BELLE SURPRISE DE SPOTLIGHT, LE SOULAGEMENT DE DICAPRIO, L’ÉMOTION DE MORRICONE, ET UN PALMARÈS GLOBALEMENT DE HAUT VOL.

On le pensait promis à Alejandro González Iñárritu et à son The Revenant. C’eût été le second Oscar du meilleur film d’affilée pour lui après celui de Birdman. Il aura dû se contenter de la statuette du meilleur réalisateur, déjà remportée l’an dernier et… troisième Oscar du genre à consacrer un réalisateur mexicain en trois ans, puisqu’Alfonso Cuarón l’avait reçu pour Gravity en 2014! Une présence latino qui n’aura pas empêché la 88e cérémonie des Oscars de résonner des échos de la polémique sur la moindre représentation des minorités (voir notre encadré).

La (belle) surprise est donc venue de Spotlight, que l’on ne donnait pas favori malgré ses qualités unanimement reconnues. Le film de Tom McCarthy n’a pas le brio stylistique de The Revenant, mais il sert de manière exemplaire un sujet d’importance avec son récit véridique d’une enquête journalistique dévoilant -au début des années 2000- l’ampleur des abus sexuels commis par des curés pédophiles de la région de Boston, couverts de honteuse façon par le plus haut prélat de la ville. En assistant au triomphe de Spotlight (occasion pour Lady Gaga d’opérer une sortie remarquée sur la question des abus sexuels), on ne pouvait s’empêcher de penser à All the President’s Men d’Alan J. Pakula, modèle du film exaltant le rôle de la presse dans la quête de justice (à travers l’affaire du Watergate), et qui malgré huit nominations et quatre Oscars ne fut pas couronné meilleur film en 1977. Rocky était passé par là…

Un choix remarquable que ce couronnement de Spotlight, un film ne tournant pas autour du pot d’eau bénite et adoptant ce style seventiesnaguère aussi prisé par David Fincher pour Zodiac. Et l’occasion de confirmer, avec quel éclat, le retour au sommet de l’affiche d’un Michael Keaton revenu de nulle part et alignant, dans la foulée de Birdman, d’excellentes prestations dans les deux meilleurs films de 2015 et 2016!

Pour beaucoup, l’enjeu principal de la soirée restait néanmoins de savoir si Leonardo DiCaprio allait enfin remporter cet Oscar du meilleur acteur qui se refusait à lui malgré cinq nominations. Il l’a eu, échappant à la malédiction d’un Peter O’Toole nominé… huit fois sans jamais l’emporter. Dans son discours de lauréat, Leo a plaidé avec ferveur pour le sauvetage de la planète. Venant du héros d’un film de survie en pleine nature sauvage, c’était très acceptable, même si très banal aussi dans la formulation. Mais ce thème de la survie invitait également, de ce côté-ci de l’Atlantique, à un intéressant et assez éclairant rapprochement avec les César… Tant DiCaprio que Vincent Lindon viennent d’être consacrés en jouant un survivant. Mais là où le comédien français survit au chômage, à la menace de la misère, en jouant la sobriété au milieu d’interprètes non professionnels, son collègue américain affronte la trahison des hommes et les griffes des bêtes, dans un déluge d’effets dramatiques volontiers digitaux. A chaque cinéma son idée de la survie, donc. Paris restera toujours Paris, et Hollywood Hollywood.

High level

On retiendra encore d’un palmarès high level l’Oscar du meilleur film étranger au chef-d’oeuvre sur la Shoah de Laszlo Nemes Son of Saul. Et celui de la meilleure musique (The Hateful Eight de Tarantino) à un Ennio Morricone ému jusqu’aux larmes, lui qui n’avait jamais gagné (malgré cinq nominations) et à qui on avait même remis, en 2007, un Oscar d’honneur pour l’ensemble de son oeuvre aux relents d’au revoir un peu coupable et de compensation… A l’autre bout de l’axe des âges (le génial Ennio a 87 ans), la jeune Brie Larson, de son vrai nom Brianne Sidonie Desaulniers, a remporté à 26 ans un Oscar de la meilleure actrice qui n’étonnera pas ceux qui ont vu Room, où elle est formidable en captive d’un kidnappeur élevant dans une chambre close l’enfant que lui a probablement fait le psychopathe. Et Mad Max: Fury Road, LE film d’action à grand spectacle de 2015, est reparti avec six Oscars (sur dix nominations), tous « techniques ». Les Academy Awards ont voulu faire sens, et y sont parvenus. Jusque dans l’Oscar du meilleur film d’animation attribué à la dernière perle de Pixar (et de Disney par ricochet) Inside Out, un film au scénario singulièrement cérébré.

TEXTE Louis Danvers

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