L’ANCIEN BASSISTE DE WOODS ET MOITIÉ DES BABIESKEVIN MORBY S’IMPOSE AUJOURD’HUI COMME L’UN DES PLUS DIGNES HÉRITIERS DE NEIL YOUNG, BOB DYLAN ET LOU REED. LE 15 JUIN À LIÈGE.

Dimanche 24 mai dernier. Alors que des milliers de Buffalos rejoignent le centre de Gand pour fêter le titre, le cowboy Kevin Morby termine calmement de grailler, en bon Américain, à la terrasse de chez Jack, roi du Burger. Morby est un rockeur, un singer songwriter ascendant bourlingueur… S’il vit désormais à Los Angeles, le garçon est né dans la même ville que Buddy Holly, à Lubock, le 2 avril 1988. Il a grandi dans le Michigan, l’Oklahoma et le Missouri avant de se tailler à New York tout seul comme un grand pour ses 18 ans. « La bougeotte, c’est un héritage familial. Quand j’étais gamin, on n’arrêtait pas de déménager à cause du boulot de mon père qui travaille chez General Motors. Ma mère, elle, est dans les assurances. Je n’ai pas fait d’études supérieures. On a toujours vécu dans le Midwest. Jamais sur les côtes. Alors dès que j’ai pu, obsédé par tous ces groupes de New York, la scène punk des années 70, Patti Smith, les Modern Lovers, mais aussi Dylan et le Velvet Underground, j’ai pris la poudre d’escampette… J’avais 18 piges et pas un rond. Mais je savais vivre avec que dalle. Je ne dépensais pas mon fric dans les bars ou les fringues… »

Très vite, Morby, qui enchaîne les petits boulots dans les restos, s’intègre à la fourmillante vie musicale new-yorkaise. « Trois jours après mon arrivée, j’ai fait la connaissance de Matt and Kim, des Japanther et de Dave Longstreth (Dirty Projectors)… C’était à un concert de Woods… »

L’impeccable groupe de Jeremy Earl et de Jarvis Taveniere, le petit Morby en sera le bassiste pendant cinq ans… « Ils m’ont appris beaucoup de choses. Notamment ce qu’être dans un groupe signifiait et impliquait. J’étais encore un gamin. La musique était secondaire. Je voulais juste voyager. Rencontrer des gens. Ils avaient dix ans de plus que moi et étaient déjà très pro. Avec Woods, j’ai découvert le côté business de la musique. Et avec les Babies, j’ai appris à travailler l’aspect plus créatif du métier. »

Les Babies naissent en 2008 de sa rencontre avec Cassie Ramone des Vivian Girls… « Je n’avais aucune attente à l’époque. J’ai rejoint Woods parce que j’étais un ami. Et c’est aussi ainsi que sont nés les Babies. Comme une blague entre potes. On a finalement été décemment appréciés et respectés. On a même donné d’assez gros concerts. Quand tu offres ton projet au monde, ça suffit parfois à ce qu’il y trouve sa place. »

American poetry

Tout en confessant sa fausse carte d’identité pour assister à un concert d’Arcade Fire, Morby, bavard, se souvient de sa première guitare (il avait dix ans). De son coup de coeur pour la musique en écoutant la radio. « On y entendait encore des guitares dans les années 90… » Et de son adolescence à Kansas City. « Une petite ville. Avec juste ce qu’il fallait de clubs, de chouettes restos et un tout bon magasin de disques. Mon monde y restait assez étriqué. Mes groupes préférés étaient ceux de mes potes. Mais je baignais dans le punk. On vivait DIY. On organisait nos propres concerts. On se bougeait le cul. »

Certaines de ses vieilles connaissances ont percé elles aussi. Alexis Penney a fait son trou dans la scène drag de New York. Cody Critcheloe, alias Ssion, s’est taillé sa petite réputation dans la « gay dance pop » et a tourné des clips pour Kylie Minogue, Peaches, Santigold et les Liars… « Un tas d’artistes m’ont donné envie de faire de la musique. Mais quand j’ai découvert Bob Dylan, Neil Young, Leonard Cohen, je me suis mis à regretter que plus personne ne semblait proposer d’aussi bonnes choses de nos jours. Je n’entendais aucun groupe contemporain qui me plaisait. Aussi bien en termes de songwriting que de production… Neutral Milk Hotel, les Mountain Goats et The Microphones m’ont fait comprendre qu’on pouvait fabriquer des albums incroyables à la maison et donner des concerts où on le voulait. Même si c’était devant un pelé et trois tondus. Je me suis dit: ça, je peux le faire. Je peux enregistrer sur un quatre pistes et jouer dans une cave. »

Morby revendique aussi l’influence du réalisateur Wes Anderson. « Ado, je me suis retrouvé dans le personnage de Max Fischer (le gamin excentrique de Rushmore). Il avait quinze ans, était médiocre à l’école. Ça me parlait. »Ou encore celle de l’écrivain new-yorkais James Baldwin. « L’outsider ultime. Je trouve particulièrement beau ce qu’il a fait naître de la confusion et de la colère. » Kevin écrit d’ailleurs de la poésie et se voit bien un jour la publier. « Quand je serai plus confiant. Pourquoi pas avec un disque? »

En attendant, il a tout logiquement quitté Woods pour assouvir ses ambitions personnelles et sortir en 2013 Harlem River, son premier album solo auquel a notamment participé Tim « White Fence » Presley, et succédé le tout aussi remarquable Still Life.

« Tim est une légende et l’un de mes meilleurs potes. Regarde, je voyage avec son sac à dos (son nom est écrit en grand dessus). Le mec qui a sorti le premier 45 tours des Babies a aussi défendu le premier disque de White Fence. Tim faisait écho à notre groupe sur Myspace. Je me suis dit: « C’est cool. Je le connais pas ce mec. » Alors, je lui ai proposé: « Voilà, White Fence n’a jamais donné de concert. Je ne sais pas si c’est juste un projet studio. Mais on vient à San Francisco. Aimerais-tu jouer avec nous? » Il a accepté et le lendemain de ce gig, on se produisait dans un jardin à Los Angeles. »

Comme lui hyperactif de la musique, Morby a déjà écrit ses deux prochains albums. « Oui, il y a une idée de thérapie, de délivrance… J’ai l’esprit souvent très occupé et écrire des chansons le ralentit un peu. Mais je ne sortirai le prochain qu’en 2016. » Waiting for the man…

STILL LIFE, DISTRIBUÉ PAR OODSIST/KONKURRENT.

LE 15/06 AU MAD CAFÉ (LIÈGE).

TEXTE Julien Broquet

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