« Psychodrama »

Cela fait longtemps que le rap anglais a cessé de courir à tout prix derrière le modèle US, pour se forger sa propre identité. Il a aujourd’hui clairement le vent en poupe. On évoquait récemment le formidable album de Little Simz, Grey Area; c’est au tour de Dave de bluffer tout son monde avec Psychodrama. Épatant, le premier disque du rappeur londonien l’est de bout en bout, dépassant le simple cadre musical pour se transformer en un récit de vie aussi chahuté que viscéral.

En effet, David Orobosa Omoregie a beau n’avoir que 20 ans, il a dû apprendre très tôt à encaisser les coups. C’est en tout cas ce qu’on devine d’un parcours, défini en partie par un père largement absent, et un environnement urbain brutal (ses deux frères aînés sont ou ont été prison, l’un pour braquage, l’autre pour complicité de meurtre). Pour autant, Psychodrama n’a rien du trip gangsta rap. Ou alors pour fissurer le fantasme « street » de l’intérieur – » Vous ne voyez que nos chaînes en or et nos bagnoles rutilantes/Je vois un manque d’estime de soi et des cicatrices béantes » ( Environment). De la même manière, le single Black ne se contente pas d’être un acte de fierté raciale, il exige aussi de la nuance – » Look, black ain’t just a single fuckin’ colour/Man, there’s shades to it« . Découpé en trois actes, présenté comme une séance de thérapie sur le divan, Psychodrama est riche et complexe, à l’image du titre-charnière Lesley, morceau de onze minutes racontant la rencontre avec une femme enceinte, piégée dans une relation toxique violente. Hormis l’une ou l’autre respiration ( Voices), Dave a ainsi commis un disque plein et entier, où chaque seconde semble investie. Un peu à l’image de ce que le Good Kid m.A.A.d City de Kendrick Lamar a signifié pour Los Angeles , Londres a désormais son Psychodrama…

Distribué par Caroline/Neighbourhood Recordings.

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