Danser pour exister

L’intégrisme et l’art ne font pas bon ménage. Un documentaire passionnant aborde sans fard ces relations.

L’interdiction de danser, de faire de la musique et plus globalement de créer librement, hors de la norme islamique, est chose courante lorsque l’intégrisme religieux triomphe et impose sa loi. De Kaboul à Téhéran, des Maldives au Koweït en passant par Gaza, la liste des comportements prohibés est longue et variée. Pourtant, au sein même du monde musulman, beaucoup s’interrogent et se rebellent, refusant que leur foi soit assimilée par certains à une suite pure et simple d’interdits. Jawad Rhalib est de ceux-là, et il pose dans son documentaire quelques très bonnes questions. Comme celle de savoir pourquoi la joie et la liberté ne seraient plus de mise dans la religion telle que les fondamentalistes la promeuvent de plus en plus, avec ou sans violence. When Arabs Danced ( Au temps où les Arabes dansaient) donne la parole à des personnes de tous milieux, de tous âges, qui ont en commun de défier les limites qu’on veut imposer à leur liberté de danser mais aussi de pratiquer ou d’étudier toute autre forme d’art. Le film est une célébration du courage, de l’esprit de résistance, de l’audace qu’il faut pour s’exposer à l’ostracisme, à la relégation, au rejet des parents, des amis, du groupe social. S’il ne fait pas l’économie de la désespérance qui s’impose parfois, Rhalib montre surtout l’espoir, le désir vibrant d’exister et de s’exprimer. Il place aussi les tenants de l’intégrisme face à leurs propres contradictions quand ils font dire à l’islam ce qu’il ne dit pas forcément. Et il ne manque pas non plus de remettre en cause les stéréotypes, les préjugés, globalisant trop vite et facilement ce qui ne saurait l’être. Car depuis les talibans, Al-Qaïda, Daesh et la percée des idées wahhabites ou salafistes, l’Occident tend souvent vers les généralisations hâtives. Certains rappels historiques sont à cet égard bien utiles…

Danser pour exister

Qu’ils soient marocains, égyptiens, belges ou iraniens, les témoins réunis dans When Arabs Danced font entendre une voix vibrante, émouvante. Car les histoires qui nous sont racontées, aussi diverses qu’elles puissent être, ne peuvent que toucher. Et prendre une résonance universelle à une époque où les idéologies (et pas seulement religieuses) se durcissent dans l’identitaire et les censures de tout ce qui échappe aux normes. Les prêches hallucinants qui ouvrent le film de Jawad Rhalib en stigmatisant la musique, la danse, comme des perversions brandissent la charia en arme absolue. Tout ce qui suit leur donne tort, et vient rappeler que la société arabe connut et connaît encore des élans progressistes. Comme ceux qu’incarnent les propres parents du réalisateur, qui se sont battus pour la liberté « d’être qui tu es ». Une liberté plus que jamais en danger et que le film incarne avec un beau courage, avec intelligence, avec amour même.

When Arabs Danced

De Jawad Rhalib. 1 h 24. sortie: 16/01.

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