Dans le jardin d’Éric Lambé

© FRÉMOK

Sous le terme de Botanike Komiks, l’un des plus grands auteurs belges distille depuis 30 ans de courts récits poétiques, organiques et drôlement désespérés.

L’excellence, ça se mérite. Prenez l’exemple de ce bien beau 48cc édité par Frémok et signé Botanike Komiks: malgré son format on ne peut plus classique -48 pages « cartonnées-collées » selon la norme encore majoritaire dans la BD franco-belge- ce 48cc-là n’a absolument rien de classique. Non seulement il n’a été tiré, jusqu’à présent, qu’à 300 exemplaires vendus hors commerce (et donc uniquement disponible en festivals ou via les sites fremok.org et livre-avenir.org, la propre plateforme de financement participatif du Frémok), mais son contenu vous emportera également loin, très loin, des canons habituels de cette BD-là. On y trouve les expérimentations et les récits courts d’Éric Lambé, pépite trop discrète de la BD belge et indé, Fauve d’or à Angoulême en 2016 pour Paysage après la bataille réalisé avec Philippe de Pierpont, et auteur entre autres de l’incroyable Fils du roi en 2012, entièrement réalisé au bic. Un expérimentateur de forme et de fond qui use du label Botanike Komiks pour proposer  » un regard sur le monde » plus engagé que ses fictions et parfois plus expérimental encore, via une méthode moins simple que son pitch:  » Dessiner des mots, écrire des images. »

Dans le jardin d'Éric Lambé

Clash des sens

Un magnifique coucher de soleil dont les rayons dardent des mots:  » Déstabilisation, Réchauffement climatique, Risques accrus de guerre« . Un  » paradis » à colorier, rempli d’arbres, de papillons, d’une biche… En réalité, Tchernobyl 30 ans plus tard (on devine dans le dernier dessin un type en combinaison de protection prêt à abattre la belle biche):  » Colorie-toi même cette histoire avec de belles couleurs. » Des récits qui mettent en scène des SDF, qui rappellent les migrants, le parc Maximilien, le petit Aylan échoué mort sur une plage. Le tout dans des couleurs joyeuses ou ludiques, des mises en scène silencieuses, des références permanentes à la société de consommation et, à chaque fois, du texte, des citations et des définitions qui accompagnent les compositions, jusqu’à la dernière page, après  » L’Ère de la moule » remplie de mutations génétiques (en forme de moules):  » Survivre à l’effondrement« … Ici, la forme fait fond et le fond fait la forme, nous confrontant, certes avec un humour parfois froid, souvent désespéré, à la cruauté de nos sociétés et à notre inhumanité. Éric Lambé usait déjà du label Botanike Komiks dès ses premiers fanzines, Mokka ou Pelure Amère, et fit l’objet d’un premier album en 1996. En voilà un deuxième bien de son époque, tout en restant en avance sur son temps.

48 cc – Botanike Komiks

D’Éric Lambé (et Carl Roosens en guest star), éditions Frémok, 48 pages.

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