Dans la ville provisoire

Quand le narrateur, tout juste sorti des études, se voit proposer par une énigmatique fondation de procéder à l’inventaire d’une traductrice célèbre dans la maison où elle vivait jusqu’il y a peu, il ne sait guère à quoi s’attendre. Cette mission aux contours flous l’entraîne dans une ville (qui, si elle n’est jamais nommée, évoque fortement Venise) dans laquelle la mer entre à fréquences régulières, comme le signalent des sirènes d’alarme. Sans avoir voulu rencontrer à l’hôpital celle dont il s’apprête à passer la vie et les écrits au tamis, il commence pourtant à se fondre dans ses gestes, à scruter le moindre ticket de caisse ou va jusqu’à appliquer sur ses doigts son vernis à ongles couleur Midnight Taupe. Comme une façon pour lui de prendre la tangente ou de dissoudre les nouvelles moroses du monde extérieur, qui ne lui arrivent que par téléphone. Dans ce roman atmosphérique et volontairement flottant, Bruno Pellegrino ( Là-bas août est un mois d’automne) nous arrime au bastingage d’un temps élastique et fait sourdre l’étrangeté à travers chaque mur, à la manière de l’illustratrice Anne Brouillard, dans son album Le Rêve du poisson (Sarbacane, 2009). À travers son hublot parfois troublant, c’est un kaléidoscope de l’infra-ordinaire d’une vie -mais aussi d’une ville- qui transparaît.

De Bruno Pellegrino, éditions Zoé, 128 pages.

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