Dans la prison en flammes

Une émeute vient de débuter dans la prison de Westbrook, quelque part dans l’État de New York. MF, surnommé « le tueur de veuves », s’est barricadé dans la médiathèque de l’établissement.  » Je suis l’architecte de la mêlée caliguléenne qui se répand sur les coursives et dans les cellules« , reconnaît d’emblée ce détenu lettré d’origine sri lankaise. Ce qui a mis le feu aux poudres? Un poème des Latin Kings publié dans la revue littéraire carcérale L’Enclos dont MF est le fier rédacteur en chef. Même si le sous-texte inflammable de ce narco-sonnet lui avait échappé, il en endosse la responsabilité éditoriale. Et ses probables conséquences funestes, étant désormais la cible des gangs rivaux qui ravagent le pénitencier. En attendant son heure, l’ex-portier d’un immeuble chic de Manhattan entend livrer en temps réel aux fans de cette revue devenue culte dans les milieux arty « le récit officiel des événements tels qu’ils se sont produits », et ainsi couper l’herbe sous le pied des détracteurs, des déçus, des jaloux. Une sorte de testament littéraire en forme de cut-up mental brassant souvenirs de jeunesse, portraits de personnalités charismatiques du mitard -dont son amant-protecteur- ou considérations fumeuses sur l’usage de la langue par les taulards-écrivains, le tout entrecoupé d’échos du chaos ambiant. Mélange improbable de Prison Break et de Guy Debord à l’heure des réseaux sociaux, Dans la prison en flammes transforme ce huis clos intello et sauvage en satire féroce de la société du spectacle. Drôle et acide.

De Ryan Chapman, éditions Autrement, traduit de l’anglais (États-Unis) par Nathalie Bru, 208 pages.

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