Dans la baie fauve

Lorsqu’il repère une affichette de refuge canin sur la vitrine d’un brocanteur de village, Ray est ce bonhomme désabusé de 57 ans,  » trop vieux pour prendre un nouveau départ, trop jeune pour baisser tout à fait les bras« . Qui rend suspicieux ceux qu’il croise et vit claquemuré dans la maison de son père, à proximité de Tawny Bay. L’adoption de One Eye, clébard borgne et pas super commode va pourtant amplifier son horizon sous asphyxie. Voilà un interlocuteur qui ne crée pas en lui de malaise, avec lequel il s’engouffre naturellement dans des promenades et ses souvenirs d’enfance. Ray se met à hauteur d’animal, truffant ses observations d’odeurs et de sensations immersives, et Sara Baume n’a pas son pareil pour rendre leur complicité tangible. L’empathie entre les deux compères devient telle que l’homme se rêve chien plus d’une nuit. Arrive hélas un jour où One Eye s’en prend trop violemment à un shih tzu et à son propriétaire, un gamin. La mère, affolée, finit par sommer la police de faire piquer la bête féroce. Cette solution est inenvisageable pour notre narrateur: muni du strict nécessaire et de cet ami à poils qu’il ne livrerait pour rien au monde, il prend la tangente en voiture, débutant une cavale à flanc de rivage dont les détours l’amènent à se confier davantage sur la mort de son père, secret étonnant et faisant éclater sa singularité d’humain. Dans ce premier roman à la langue sensuelle, aux réflexions que le ressac et la solitude ont rendu luisantes et précieuses, Sara Baume parviendra à émouvoir jusqu’aux lecteurs n’ayant jamais versé une larme devant Lassie.

De Sara Baume, éditions Noir sur Blanc (Notabilia), traduit de l’anglais (Irlande) par France Camus Pichon, 272 pages.

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