I LOVE TECHNO, C’EST UN PEU LE « ROCK WERCHTER » DE L’ÉLECTRO. SOIT UN BON RÉSUMÉ DES TENDANCES 2013 SUR LA PLANÈTE DANCE. EXEMPLE AVEC LA TÊTE D’AFFICHE DISCLOSURE ET LE RETOUR À L’AVANT-PLAN DE LA DEEP HOUSE

La vidéo a été postée en février dernier. C’est une énième parodie de la scène du bunker dans La Chute (Der Untergang). Cette fois-ci, Hitler explose quand il apprend que les tubes dance de Disclosure cartonnent dans les charts. « J’ai passé deux ans à me fournir en disques dubstep et à les jouer en faisant mine d’aimer ça! Et tout à coup, ces imbéciles décident qu’ils aiment maintenant la deep house?! » Le Fürher fulmine encore: « Pourquoi tout à coup c’est redevenu cool? Cela a toujours été cool! » L’histoire est en effet un éternel recommencement. Aujourd’hui, les hit-parades sont à nouveau truffés de morceaux qui lorgnent plus ou moins lourdement les gimmicks deep house pratiqués dans les années 90: les tubes de Disclosure, Duke Dumont, Klangkarussell, le retour aux affaires d’un producteur comme MK (récemment de passage au Libertine/Supersport)… Qu’est-ce qui justifie le retour en grâce du genre? Tentative d’explication.

1. C’est quoi, la deep house d’abord?

« Je parie qu’ils ne savent même pas qui est Derrick Carter! », fulmine encore Adolf. Au départ, il y a donc la house music (dont Carter est l’un des héros). Né à Chicago, au milieu des années 80, le courant est une sorte de dérivé électronique et hypnotique de la disco et du hi-nrg –« je vois la house music comme la revanche du disco », selon le mot célèbre de Frankie Knuckles, le pionnier. Fabriquée avec des boîtes à rythmes parfois (volontairement) primitives et des samples de plus en plus désincarnés, la house filera par la suite dans plusieurs directions différentes: vers la techno notamment ou l’acid house. Réaction à une musique de plus en plus « synthétique », la deep house ranimera de son côté ses racines funky. Soul aussi, voire jazz. Elle essaimera également en Angleterre: se frottant régulièrement à la jungle, le UK garage agite encore aujourd’hui les nuits londoniennes.

2. Le retour du chic

Le triomphe disco de Daft Punk (aidé par Nile -Chic- Rodgers) en est le signal le plus spectaculaire: tout se passe comme si le raffinement avait à nouveau droit de cité sur la piste de danse. Moins funk que « funky », Random Access Memories prônait l’organique, l’humain (après tout), plutôt que les machines. Avec son élégance hédoniste, la deep house confirme cet état d’esprit: à la fois chic et chaleureuse, distinguée sans tomber dans le bling-bling.

3. No more dubstep, no more fluo

Le gros son électro turbine des années 2000 d’un côté; les ambiances lourdes et pesantes du dubstep de l’autre. Après une bonne décennie de musiques électroniques qui tabassent, la voie était certainement ouverte pour une dance music tout aussi efficace mais plus subtile, moins anxiogène. Rencontré en compagnie de son frangin Howard, début de l’année, Guy Lawrence de Disclosure expliquait: « Jusque récemment, le dubstep était partout. C’était ok, mais personnellement il me manquait quelque chose. C’était très malin en termes de production, mais la musique restait trop simple: une grosse basse, un kick snare bombastic… » Ce qui peut lasser au bout d’un moment. « Aujourd’hui, les gens en ont peut-être un peu marre du dubstep. Surtout les filles. Quand j’allais à des soirées, c’était quand même surtout des lads à capuche. Ce qui est super. Mais parfois vous avez envie d’autre chose. »

4. Une écriture plus pop

Si la deep house a souvent trouvé ses lettres de noblesse dans l’underground, elle a malgré tout toujours su se frayer un chemin dans les charts. Notamment en se rapprochant d’un format plus pop. Le discours de Disclosure est d’ailleurs très clair: avant de cartonner sur la piste de danse, l’ambition première reste d’écrire de bons morceaux pop. « C’est aussi la démarche d’un mec comme David Guetta, sauf que ses chansons sont des pures merdes. On a envie de proposer quelque chose de plus classe. En cela, on est d’accord pour se voir associés à la deep house ou au UK garage qui a fait rentrer la house dans une forme pop, sans devenir pour autant cheesy. »

5. Une musique sans drogue?

Festive et hédoniste, la deep house version 2013 a l’avantage de ne pas cultiver l’image droguée souvent associée aux autres musiques électroniques. Dans le Guardian, le journaliste Sam Wolfson expliquait notamment: « Une partie du succès de la musique électronique aux Etats-Unis tient dans le rejet d’une partie de la culture dance, qui est vue par les Anglais comme en faisant au contraire intégralement partie, comme les drogues ou le rejet du mainstream. » La plupart des succès du moment apparaissent en effet très propres sur eux. Récemment, Disclosure mettait en ligne une vidéo pour le morceau Help Me Lose My Mind. Apparemment un peu trop ambiguë et droguée: le label l’a aussi vite retirée du Net…

TEXTE Laurent Hoebrechts

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