D’os et de lumière

Seul dans sa cuisine, lors de « cette période flottante encadrée par l’heure de l’angélus et le jingle des infos de treize heures », Marcus Conway a le coeur serré, une sensation de gêne persistante dans l’estomac, mais pas l’intention de garder pour lui ce que lui inspire le monde. Époux et père, il a passé toute sa vie d’homme simple à la sortie de Louisburgh, dans le comté de Mayo. Durant toutes ces années où il était ingénieur en génie civil, où des écoles et des bibliothèques, des éclairages publics et des routes départementales se sont élevés sous sa garde, il a tâché d’être éthique, d’accomplir sa tâche et son existence dans le droit fil. Mais combien auront eu son sens de la prévention? Combien n’auront pas cherché à rogner les coûts, s’attirer les bonnes grâces d’un politicien local? Du vernissage de l’exposition de sa fille, devenue artiste en vue à la faveur de son sang utilisé comme matière première, à la contamination de l’eau du robinet qui atteint des centaines d’habitants et sa propre femme, Marcus soupèse chaque pierre de ce récit confessionnel en flux ininterrompu, érigeant un édifice dont l’impact symbolique dépasse largement les frontières de son patelin. Baigné dans les lueurs inquiètes d’une âme irlandaise juste mais tourmentée, D’os et de lumière transcende magnifiquement la micro-échelle pour nous interroger sur l’obsolescence de l’univers et la place de l’humain dans son environnement. Jusqu’à un épilogue qui fait tressaillir nos certitudes de lecteur, nous guettons avec Marcus cette « mélodie d’un monde meilleur où les choses auraient fonctionné comme elles le devraient ».

De Mike McComarck, traduit de l’anglais (Irlande) par Nicolas Richard, éditions Grasset, 352 pages.

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