LA BELGE PAULINE ETIENNE INCARNE INTENSÉMENT LA RELIGIEUSE DE DIDEROT, DANS UNE ADAPTATION DE GUILLAUME NICLOUX. UNE HISTOIRE QUI NOUS PARLE AU PRÉSENT.

Elle illumine la sobre et prenante adaptation de La Religieuse de Diderot par Guillaume Nicloux. Dans un rôle ô combien difficile, par ce qu’il suppose d’isolement, de révolte et de questionnement intérieur, Pauline Etienne fait merveille. Si le jury du tout récent Festival de Berlin ne l’a pas consacrée, le public et la critique unanime ont chanté les louanges de la jeune actrice belge. Celle qui se révéla dans Elève libre de Joachim Lafosse, puis surtout dans Qu’un seul tienne et les autres suivront de Léa Fehner, est Suzanne Simonin plus qu’elle ne la joue. Une expérience intense, dont elle est revenue changée.

Le rôle de Suzanne dans La Religieuse contient plus d’un défi. Lequel vous semblait le plus délicat?

Naïvement, je pensais que le plus difficile allait être pour moi de jouer du piano et de chanter. J’ai donc pris des cours de chant et de piano, tout en redoutant à l’avance ces scènes-là. Mais une fois sur le plateau, j’ai vite compris qu’en fait, le plus difficile, ça allait être… tout le reste (rire)! Ce que vous voyez à l’écran, ce que Suzanne vit, je l’ai moi-même vécu. Je n’ai pas connu la faim, l’enfermement physique, mais psychologiquement ce fut très dur de me dire que je devais aller jusqu’au bout. Il m’a fallu me battre! Et cela m’a rapprochée de Suzanne. Elle croit en Dieu mais elle veut vivre sa religion comme elle l’entend. Elle livrera combat pour ça, sans relâche. C’est cette force qui m’avait attirée vers le film. C’est cette même force qui m’a permis de tenir le coup, d’arriver à la fin du tournage.

Pourquoi tant de difficultés?

Déjà les conditions climatiques étaient très dures. Il faisait -20 degrés en Allemagne… Et puis ce que Suzanne vit, ce n’est pas anodin. Bien sûr je savais que pour moi c’était du jeu, c’était « pour du faux ». Mais je ne m’étais pas assez protégée. Je n’avais pas mis une barrière suffisante entre ce qu’elle vit dans la fiction et ce que moi je vivais dans la réalité du tournage. Finalement, nous n’étions plus qu’une. Et cette unité n’était pas Pauline, c’était Suzanne. Je me suis pris dans la figure ce qu’elle a pris dans l’histoire. Et j’ai mis des mois à m’en remettre… Plus jamais je ne commencerai un tournage sans me protéger!

Vous souvenez-vous de vos premiers pas dans le métier?

C’était un jour, au parascolaire théâtre. Je suis montée sur scène. J’avais douze ou treize ans, j’étais très très très timide, mal dans ma peau. Immédiatement, je me suis sentie envahie d’une espèce de bien-être. Et je me suis dit que ma place était peut-être là. On se cherche tous une place dans la vie, et c’est très compliqué… Ensuite j’ai eu la chance de rencontrer Joachim Lafosse et devant sa caméra, là aussi, j’étais bien. Aujourd’hui, je ne pourrais plus jamais m’en passer, de jouer…

Vous sentez-vous encore timide, parfois?

On n’échappe pas totalement à ça (rire)! J’ai toujours du mal avec les photographes, par exemple. J’essaie de m’échapper dès que je peux. Sur un plateau de cinéma, sur une scène de théâtre, je travaille, alors ça va. Mais en dehors…

Avez-vous conscience du fait que La Religieuse, fruit de l’esprit des Lumières, conserve une portée très actuelle avec l’importance des religions et leur implication sur les droits des femmes?

Une fois de plus, et c’est très intéressant, l’art, la culture, nous montrent que les mentalités n’ont pas beaucoup évolué. Cela fait ressentir aux gens des choses parfois très violentes. Je sais que le film sera reçu de façon très différente selon les pays… ou même pas reçu du tout. Il y a des pays très croyants où il ne sera même pas montré! Hier, à la conférence de presse (le 10 février, ndlr), il y a eu des prises de parole de femmes, notamment une Iranienne qui se reconnaissait dans le combat de Suzanne… Un film peut parler du passé, être vu au présent et engager l’avenir. On projette La Religieuse à Berlin et tout de suite le Pape annonce sa démission. Il l’a vu en projection privée, peut-être (rire)!

Le futur immédiat de Pauline Etienne aura les couleurs du Japon, où elle s’envole pour tourner le nouveau film de Stefan Liberski, Tokyo Fiancée. Ensuite, il y aura le nouveau film de Mia Hansen-Love. Et, au théâtre, La Mouette de Tchekhov à Paris…

RENCONTRE LOUIS DANVERS

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