AVEC FEDORA, SON AVANT-DERNIER FILM, BILLY WILDER OFFRAIT UN PENDANT À SUNSET BOULEVARD, POUR SIGNER UN MÉLODRAME CONSACRANT LES FUNÉRAILLES DU VIEIL HOLLYWOOD…

Fedora

DE BILLY WILDER. AVEC WILLIAM HOLDEN, MARTHE KELLER, JOSÉ FERRER. 1 H 53. 1978 ED: CARLOTTA. DIST: TWIN PICS.

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S’il devait bien réaliser, quelques années plus tard, le dispensable Buddy Buddy, remake de L’emmerdeur d’Edouard Molinaro, Fedora constitue le testament cinématographique de Billy Wilder. Sorti en 1978, le film voyait le cinéaste renouer, 28 ans après, avec une veine voisine de celle de Sunset Boulevard, consacrant, à travers le destin tragique d’une star rattrapée par le temps, la mort du Hollywood classique qui se trouvait aussi être le sien. Signe qui ne trompe pas: Wilder, qui s’était épanoui dans le système des studios, réalisant des chefs-d’oeuvre absolus comme Double Indemnity, Some Like It Hot ou autre The Apartment, dut cette fois trouver des financiers en Allemagne suite à la défection de la Universal, un temps pressentie pour accueillir le projet.

Se déroulant entre Paris et Corfou, Fedora s’ouvre par le suicide d’une star, Fedora (Marthe Keller), se jetant sur les roues d’un train en gare de Mortcerf. Parmi les admirateurs défilant devant son corps exposé en chapelle ardente, Barry « Dutch » Detweiler (William Holden, comme pour mieux souligner la parenté avec Sunset Boulevard), un producteur américain se remémorant leurs retrouvailles quinze jours plus tôt, à Corfou, lorsqu’il avait voulu lui proposer de jouer dans une nouvelle version de Anna Karénine. En pure perte, cependant, l’actrice vivant recluse, et sous bonne garde -comme murée à jamais dans le souvenir de sa gloire et sa splendeur passées. Et le film d’embrayer sur le récit tragique de sa déchéance.

L’amertume de Wilder

Ce faisant, Wilder ne portait pas seulement un regard acéré sur le star system et son mythe de la jeunesse éternelle, objets de ce conte cruel. Il signait aussi une réflexion désabusée sur un cinéma où il ne trouvait plus guère sa place, brocardant au passage le Nouvel Hollywood –« Tout a changé. Les jeunes barbus ont la cote. Ils se passent de scénario et préfèrent des caméras légères », fait-il entre autres observer à William Holden, impeccable, parmi un florilège de réflexions où perce son amertume. Dans Swan Song, l’excellent documentaire accompagnant l’édition Blu-ray du film, restauré pour l’occasion, Marthe Keller évoque d’ailleurs les difficultés qu’elle éprouva à se faire aux méthodes rigides d’un réalisateur à l’ancienne, contrastant singulièrement avec celles d’un John Schlesinger ou d’un Sydney Pollack, avec qui elle venait de travailler. Qu’à cela ne tienne: le temps, par-delà ses outrages, a aussi le don d’aplanir les différends. Et face à ce mélodrame à la funèbre beauté, la comédienne relève encore, fort à propos, le paradoxe voulant qu’un film qui apparaissait démodé à l’époque ait tellement bien vieilli. C’est peu de le dire, en effet…

JEAN-FRANÇOIS PLUIJGERS

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