Coupe de printemps
Dans son nouveau clip, Yelle passe chez le coiffeur et en profite pour sortir l’une de ses plus belles chansons. Une déclaration d’amour contrarié à son pays, le regard franc, la nuque bien dégagée.
Se faire couper les cheveux est rarement un acte anodin. Derrière un simple coup de tondeuse, il y a souvent l’envie de marquer le coup, s’offrir un nouveau départ, forcer un changement. On a d’ailleurs pu encore le voir pendant le confinement: certains n’auront pas attendu la réouverture des salons pour exprimer leur flottement existentiel en osant quelques acrobaties capillaires maison… Yelle, elle, a sorti Je t’aime encore, premier single d’un nouvel album attendu à l’automne, six ans (!) après Complètement fou.
Le clip a été réalisé par Loïc Prigent -une première pour le journaliste mode. Il est aussi simple que touchant. Julie Budet -voix et moitié de ce qui est en réalité un duo- s’y fait tailler les mèches, dans un unique plan-séquence. Charlie Le Mindu, artiste « haute-coiffure », gravite autour de sa « cliente », à la fois concentré sur son travail et se déhanchant sur la musique. On est toutefois loin de l’univers pop art et électro décalé habituel. Regard mélancolique, Yelle commence: « Ça fait quinze ans que je te fais l’amour/Tu ne me regardes toujours pas/Je te tourne, tourne, tourne autour/Mais tu ne me vois pas ». De fait, Je t’aime encore n’est pas une ballade comme les autres. « C’est un peu notre Lettre à France « , explique le groupe, référence au classique de Polnareff de 1977, quand le chanteur exprimait sa nostalgie de la France qu’il avait quittée fâché.
De la même manière, le nouveau morceau de Yelle est l’occasion d’évoquer la relation frustrante qu’elle entretient avec son pays. Trop de préjugés, d’incompréhensions (la blague tecktonik), et surtout l’erreur originelle: proposer une pop décomplexée, faussement naïve, qui a toujours du mal à passer en terre hexagonale. « Tu t’enroules dans ce que tu sais comme couverture de survie », reproche Yelle, qui a su se consoler à l’international: « J’écris mon histoire ailleurs, pour avoir des choses à te dire ». Amère, elle ne se résigne pourtant pas: « Je te l’ai jamais dit, d’ailleurs, à quel point je t’admire ». Les lettres d’amour contrarié sont toujours les plus belles.
Charlotte Adigéry – High Lights (2019)
« I tend to change my hair too much », avoue Charlotte Adigéry. Également connue sous le nom de WWWater, la Gantoise avoue changer de cheveux comme de chemise. À chaque semaine, sa perruque -blonde, rouge, bleue, etc. « I woke up like this », glisse-t-elle encore en clin d’oeil à Beyoncé. Puisqu’une coiffure n’est pas qu’une coiffure: elle peut aussi s’apparenter à une déclaration d’indépendance, insistant sur l’impérieuse nécessité, en tant qu’artiste, de n’en faire qu’à… sa tête.
Pavement – Cut Your Hair (1994)
Quelle est la bonne longueur de cheveux? Au début des nineties, tous les groupes se posent la question. En pleine explosion de la scène indie, il faut surtout éviter les abondantes tignasses qui rappellent les clowns de la scène metal FM. Mais il n’est pas question non plus de se la jouer coupe au carré, propre sur elle, pour mieux passer sur MTV. C’est le piège: celui de l’anti-look, qui devient en soi un look. Un paradoxe qu’évoque Pavement, dans ce qui deviendra… son plus gros hit.
Duck Sauce – It’s You (2013)
Avec Barbra Streisand, en 2010, Duck Sauce, formé par les DJ stars Armand Van Helden et A-Trak, a trouvé la recette du tube dance aussi efficace que couillon. Après la vidéo de Big Bad Wolf (dans laquelle les visages des deux producteurs font office de pénis…), celle d’ It’s You se déroule dans un salon de coiffure. Coupes déformées sous les basses, cheveux fumants, afro renfermant une boule à facettes, shampoing qui vire à la soirée mousse: assurément la vidéo la plus déjantée de la liste…
Leto (feat. Ninho) – Tes parents (2019)
Encore mieux que les autres, et parfois jusqu’à l’absurde, les rappeurs ont saisi l’importance de l’apparence. Sculptures capillaires, mèches fluo… Le moindre coup de tondeuse peut devenir un gimmick visuel. D’où l’importance des coiffeurs, qui deviennent du coup eux-mêmes des stars -comme quand Alkpote amène le sien sur le plateau de son Planète Rap. Leto installe, lui, son salon dans la rue. Au passage, il invite la mégastar Ninho, qui a ouvert son propre barber shop en 2017…
Madness – House of Fun (1982)
Sur leur classique One Step Beyond, Madness sortait déjà du coiffeur. En 1982, ils remettent ça sur House of Fun, confirmant qu’au plus fort du thatchérisme, le salon de coiffure reste, avec le pub et le stade, l’un des derniers endroits où l’on cause. Pour commenter la crise ou, au contraire, s’en échapper. Comme c’était par exemple le cas de la célèbre enseigne Cuts, ouverte un an plus tôt, dans Kensington Market, et rassemblant quidams et stars (Bowie, Goldie, etc.), avides de coupes excentriques.
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