Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

UN JEUNE RAPPEUR DE CHICAGO SORT LA MIXTAPE HIP HOP DE L’ÉTÉ. COOL, DÉCOMPLEXÉ, ET JOYEUSEMENT DROGUÉ, ACID RAP CONFIRME LE TALENT DE CHANCELOR BENNETT. GOOD TRIP.

CHANCE THE RAPPER

« ACID RAP »

DISPONIBLE EN TÉLÉCHARGEMENT LIBRE.

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Parfois, se prendre une colle a du bon. C’est ce qu’a dû se dire Chancelor Bennett quand il s’est fait renvoyer pour dix jours de son collège, du côté de Chicago. Motif de l’exclusion temporaire? Avoir fumé un joint dans l’enceinte scolaire, apprend-on en écoutant 14,400 minutes, le premier titre de la mixtape sur laquelle il a commencé à bosser durant sa mise à l’écart. La frustration et la colère sont parfois bonnes conseillères. Lâché au printemps 2012, en téléchargement gratuit, 10 Days a permis la naissance de Chance The Rapper, nouvelle promesse du hip hop ricain.

Un an plus tard, Bennett confirme: Acid Rap, 2e mixtape officielle du gaillard, est l’atout fraîcheur du moment, une preuve supplémentaire, s’il le fallait encore, qu’une nouvelle génération, décomplexée, audacieuse, est en train de renouveler les cadres du hip hop made in USA. On peut respirer.

Part d’ombre

La vingtaine, Chance the Rapper est forcément de son époque, raccord avec les nouvelles habitudes en cours. Pas seulement parce qu’il n’a pas attendu d’avoir un contrat en bonne et due forme avec une maison de disques pour se faire connaître -ses deux mixtapes sont bien des autoproductions, léchées, accompagnées de clips chiadés. Aussi parce que le bonhomme s’est construit une « fan base » avec les moyens du bord, faisant la tournée des campus pour se faire connaître.

Comme ses camarades de promotion (on pense à Joey Badass ou encore Kendrick Lamar), il renouvelle le rap game et réinsuffle un nouvel esprit dans le genre, tout en rendant hommage aux cadres. Sur Everybody’s Something, il cite le Fall In Love de J Dilla (pour Slum Village), tandis que le Sucka Nigga d’A Tribe Called Quest est samplé dans NaNa. Tout cela est pratiqué avec la plus grande décontraction, sans jamais ploye sous le poids des aînés.

C’est ce qui frappe le plus chez Chance The Rapper: sa désinvolture, sans que cela passe pour du dilettantisme. On pense par exemple à la fantaisie d’un Andre 3000. Pas de précautions particulières à prendre avant d’aborder l’univers du jeune prodige, mais s’il faut encore lâcher l’un ou l’autre nom pour convaincre les indécis, on évoquerait volontiers un Lil Wayne (le flow nasal) qui aurait croisé le Kanye West pré-Kardashian (Smoke Again). Ludique, Chance The Rapper mélange ainsi joyeusement éléments soul, r’n’b (Chain Smoker, Interlude), jazz…

Coloré, Acid Rap n’oublie pas de montrer les faces plus sombres de l’histoire. Long de plus de sept minutes, un titre comme Pusha Man démarre enjoué avant de se révéler plus plombé que prévu: Chance The Rapper y évoque notamment la mort d’un ami proche, poignardé en rue (« They murder kids, here »). Comme quoi, Acid Rap aura beau se profiler pour le titre d’album hip hop idéal pour accompagner l’été, il possède aussi sa part d’ombre. Sa part acide…

LAURENT HOEBRECHTS

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