REVISITANT LES ANNÉES 70, DAVID O. RUSSELL MANIE LES FAUX-SEMBLANTS AVEC MAESTRIA DANS UN FILM D’ARNAQUE À LA MÉCANIQUE IRRÉPROCHABLE ET AU CASTING D’ENFER.

American Hustle

DE DAVID O. RUSSELL. AVEC CHRISTIAN BALE, BRADLEY COOPER, JENNIFER LAWRENCE. 2 H 18. SORTIE: 05/02.

8

David O. Russell s’y entend assurément en faux-semblants. Finaud, Silver Linings Playbook, son précédent opus, balayait ainsi le territoire de la dépression sous couvert de comédie romantique. Quant à American Hustle, qui nous arrive bardé de distinctions diverses et d’honneurs multiples, il fait du simulacre son principe même, donnant tout son sens à son titre d’exploitation français, à savoir American Bluff. Situé dans le New Jersey et s’inspirant librement de l’affaire Abscam, un scandale ayant défrayé la chronique américaine dans les années 70, le film met en scène un duo d’aigrefins, Irving Rosenfeld et sa partenaire Sydney Prosser (Christian Bale et Amy Adams) qui, ayant joué avec leur bonheur, se voient contraints de coopérer avec un franc-tireur du F.B.I., Richie DiMaso (Bradley Cooper), pour tenter de faire tomber un politicien corrompu. Les risques sont à la mesure de la combine, énormes -et amplifiés encore par la présence de l’épouse d’Irving, l’imprévisible Rosalyn (Jennifer Lawrence)…

Trompe-l’oeil

De prime abord, American Hustle est un film d’arnaque classique, s’appuyant sur un scénario tortueux à loisir pour se déployer en points de vue parallèles et en strates successives suivant une mécanique du trompe-l’oeil aussi rigoureuse qu’irréprochable. Si David O. Russell connaît à l’évidence ses classiques, il sait aussi les accommoder à sa manière. Le polar vintage aux traits estampillés seventies lorgne ainsi ouvertement vers la comédie (la scène d’ouverture, opposant Christian Bale à Bradley Cooper est un modèle du genre, au même titre que la partition de Jennifer Lawrence) sans pour autant s’y diluer, en un cocktail rendu plus détonant encore par des dialogues fleuris, mais aussi le groove on ne peut plus singulier d’un cinéma porté par une mise en scène d’une confondante fluidité. Si le film fonctionne à ses différents niveaux, c’est encore parce que le réalisateur réussit à donner à chacun des personnages une réelle consistance, signant une oeuvre polyphonique de haut vol basculant à leur suite d’une humeur à l’autre. En quoi il est bien aidé par un casting d’enfer, réunissant, pour bonne part, les acteurs de ses deux films précédents, Fighter et Silver Linings Playbook. Qu’il s’agisse de la métamorphose de Christian Bale, inouïe, ou de l’abattage de Jennifer Lawrence, irrésistible, voire encore de l’apparition clin d’oeil de Robert De Niro, le résultat est tout simplement… bluffant.

Alors certes, on peut faire le reproche à American Hustle de lorgner par moments vers l’exercice de style sans nul doute brillant mais également un peu vain. Il en émane toutefois un sentiment de jubilation aussi manifeste que hautement communicatif -soit le genre de film que l’on ne se lasse pas de revoir, juste pour le plaisir.

JEAN-FRANÇOIS PLUIJGERS

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