CONTRE-CULTURE, PAS VRAIMENT UNE BELGE HISTOIRE

© © DAVID SCHALLIOL, BPS22

QUAND ON LUI PARLE DE CONTRE-CULTURE EN BELGIQUE, PIERRE-OLIVIER ROLLIN, DIRECTEUR DU BPS22 À CHARLEROI, NE SORT PAS SON REVOLVER. MAIS IL TEMPÈRE.

La contre-culture est-elle une spécialité française?

Non, bien entendu. Il existe un ouvrage, Contre-culture(s): Des Anonymous à Prométhée de Steven Jezo-Vannier, qui dresse un bilan planétaire de tout cela. Tout régime suscite des mouvements contre-culturels à un moment. Heureusement, d’ailleurs. En revanche, le fait que le Français à la fois se déteste et échoue à se penser ailleurs qu’au centre du monde constitue une particularité de la contre-culture hexagonale. Même s’il est au coeur de l’Europe, le Belge a toujours conscience qu’il a l’Allemagne, la France, l’Angleterre, les Pays-Bas et même le Luxembourg, qui est plus riche, à côté de lui. Du coup, il se sait périphérique.

Quelle est la forme que prend la contre-culture en Belgique?

Elle est directement liée à cette position de périphérie. Les grands mouvements contre-culturels qui ont surgi en France et ou en Grande-Bretagne nous atteignent à la façon d’un premier cercle concentrique. Nous sommes en première ligne pour en ressentir les secousses. Mai 68 et le punk, par exemple, ont eu un impact en Belgique. On peut remarquer que, chez nous, le café joue souvent un rôle en ce sens. Un endroit comme le Dolle Mol à Bruxelles a été l’épicentre du mouvement libertaire belge. Tout cela contribue à diluer la force de la contestation. Il est plus juste de parler de sous-cultures dans notre pays. Plutôt que de proposer une autre organisation de la société, ces mouvements élaborent des modèles alternatifs adolescents caractérisés par des oppositions de type symboliques, comme les goûts musicaux, la mode vestimentaire et les danses. Le début de l’âge d’or des sous-cultures est incarné par l’apparition des musiques électroniques au début des années 80. C’est fondamentalement un phénomène hédoniste qui se matérialise par la création d’espace-temps de liberté. Les effets de cela sont assez désastreux car on n’a pas vu que pendant ce temps le monde changeait radicalement. Politiquement, la génération de ceux qui ont été jeunes dans les années 80 est un désastre. L’héritage qu’on laisse derrière nous est dramatique. Le Belge n’est peut-être rien d’autre qu’un hédoniste…

Qui sont les grands noms des postures minoritaires en Belgique?

C’est clairement quelqu’un comme Raoul Vaneigem, l’auteur du Traité de savoir-vivre à l’usage des jeunes générations. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si son rayonnement est plus important en France qu’en Belgique. Il reste qu’il continue à avoir un impact aujourd’hui. Un artiste comme Kendell Geers se revendique de sa pensée.

Quelle a été chez nous l’impact de la contestation sur les arts plastiques?

La contestation a présidé à la naissance des musées d’art contemporain comme le SMAK à Gand ou le MuHKA à Anvers. Ceux-ci ont vu le jour sous la pression des artistes qui estimaient que les musées de type Palais des Beaux-arts n’étaient plus adaptés à rendre compte de la création contemporaine. L’occupation des Beaux-arts à Bruxelles en 1968 par Marcel Broodthaers ne dit pas autre chose.

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